Un sorbier pour son bonheur et celui des oiseaux

La famille des rosacées est extrêmement vaste et comprend un grand nombre d’arbres sauvages dans les régions tempérées de l’hémisphère nord. Fleurissant au printemps et portant des fruits à l’automne, ce sont des sources de nourriture essentielles pour tant d’insectes et d’animaux. On y trouve pommiers, poiriers, pruniers et cerisiers, mais aussi les sorbiers. S’ils sont précieux dans la forêt et dans les haies, ce sont également de petits arbres excellents dans les jardins.

Le sorbier que nous connaissons le mieux dans nos contrées est le sorbier des oiseleurs, Sorbus aucuparia. Le nom dérive des mots latins avis et capere, littéralement prendre des oiseaux. Et c’est bien de cela qu’il s’agit; les jolies baies rouges, très appréciées des merles et des grives, étaient cueillies par les oiseleurs et disposées sur les filets qui pouvaient se refermer sur les petites proies. Ces oiseaux étaient prisés pour leur chair et vendus sur les marchés. Les âmes sensibles seront rassurées de savoir que cette pratique, la tenderie, est aujourd’hui interdite en Belgique.

Le sorbier des oiseleurs est un petit arbre ramifié à l’écorce grisâtre et lisse. Les feuilles sont composées, pennées avec des folioles finement dentelés. Des corymbes de fleurs crème sont suivies par des grappes de baies orange, plus ou moins abondants selon les années: les sorbes. Si c’est du caviar pour les grives, la graine sous la pulpe rouge est toxique pour l’homme. Ceci n’a pas empêché une utilisation artisanale des sorbes dans les campagnes. Très astringentes, les baies doivent être cueillies blettes et impérativement être cuites. On en fait de la gelée, pouvant accompagner fromages et gibiers, et des alcools.

Sorbus aucuparia se trouve dans des milieux forestiers et en montagne, comme ici en Ecosse, dans tout le nord de l’Europe, y compris en Russie. Un des noms communs en anglais est d’ailleurs mountain ash. Dispersé par les oiseaux, c'est un des arbres pionniers, comme le bouleau, qui apparaît spontanément sur les friches.

Toujours en Ecosse, un vieux sorbier a trouvé moyen d’échapper à l’appétit des cerfs et des moutons en s’accrochant au bord de la rivière. Couvert de mousses et de lichens, il résiste à l’humidité, au grands froids et à l’acidité des sols. Il suffit de regarder cet environnement pour comprendre que nous ne trouverons pas cette espèce en Méditerranée! Si ce n’est pas un de mes héros du réchauffement, l’arbre a le mérite de résister à la pollution, une qualité qui a également son importance.

Pour le jardin, on vous proposera des sorbiers qui allient les avantages de petis arbres à floraison blanche et à feuillage d’automne avec le spectacle de baies de couleurs diverses. ‘James Rock’ est un classique à baies jaunes. ‘Sunshine’, plus récent est jaune-orangé.

Les baies roses et blanches appartiennent généralement à d’autres espèces de sorbier. Sorbus cashmiriana, originaire de l’ouest de l’Himalaya, est un favori pour ses baies roses qui deviennent blanches. Elles restent tout l’hiver sur l’arbre car les oiseaux délaissent ces petits bonbons exotiques, pour le bonheur exclusif du jardinier. Le plaisir ne sera toutefois pas de très longue durée car ces arbres ne vivent pas vieux.

Sorbus vilmorinii, est une très jolie espèce, à la feuille finement découpée et aux nombreuses grappes de petits fruits rose foncé qui pâlissent vers l’hiver. L’espère, originaire de Chine, a été nommée pour l’horticulteur français Maurice de Vilmorin. L’arbre est presque un arbuste, atteignant 4 m en 10 ans, élégant pour les petits jardins. Ici par contre, les oiseaux viennent se régaler au sol et aux étages.

Certains sorbiers sont tout à fait remarquables pour leur coloration automnale, ce qui en fait des arbres précieux pour les parcs et les grands jardins. Ils sont nettement supérieurs à l’’aucuparia dont la feuille reste rarement belle en fin de saison.Voici, reflété dans l’étang, un exemplaire, planté il y a 15 ans, de Sorbus randaiensis, provenant des zones montagneuses de Taïwan.

Si la fructification, assez massive d’ailleurs, n’est pas toujours au rendez-vous, la coloration est en revanche tout à fait fiable et un régal chaque année. L’écorce très lisse est belle en hiver.

Sorbus commixta ‘Dodong’ est un autre champion du feuillage, virant du vert vif au bronze, puis au jaune-orangé. L’espèce provient de Corée du sud et d’une île au large du Japon où il fait toujours mouillé et venteux. L’Ecosse lui plaît! Le port est colonnaire au départ et l’aspect général lourdaud, comme chez S. randaiensis. Ce cultivar a été planté en masse dans le village olympique des jeux de Londres. En conséquence, on le trouve aussi sous le nom de ‘Olympic Flame’.

Nettement plus fin, avec relativement peu de baies, Sorbus scalaris est tout à fait remarquable pour sa coloration tardive rouge vif. L’espèce, assez rare, provient de Chine et pousse jusqu’à des altitudes de 3000 m. Les feuilles aux nombreuses folioles sont au départ vert foncé et nettement plus coriaces. Elles peuvent très bien sécher. Quelques feuilles bien rouges disposées sur la table sont d’un bel effet en fin d’année.

Les spécialistes remarqueront que j’ai laissé hors champ de vastes catégories de sorbiers. La raison en est qu’ils font maintenant partie de genres propres.

Ainsi les alisiers, avec leurs feuilles entières, connus comme Sorbus aria, sont reclassés comme Aria edulis. Les cormiers, anciennement Sorbus domestica, deviennent Cormus domestica. C’est très déroutant.

J’ai donc appliqué la maxime “Dans le doute, abstiens-toi”…

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