Tout feu tout flamme

Tous les grands jardins publics anglais s’efforcent d’attirer les visiteurs même en plein hiver par ce qu’ils appellent le winter walk. Ce magnifique exemple est Harlow Carr, un jardin de la Royal Horticultural Society. Les clous de ces promenades hivernales sont les bouleaux et les érables à écorces blanches ou colorées, les tapis de bruyères d’hiver, les graminées persistantes ou non, mais surtout les cornouillers couleur de feu. L’exemple n’est pas difficile à suivre.

Les Cornus, ou cornouillers, sont un genre très vaste. Les Cornus kousa et florida sont surtout connus pour leurs belles soucoupes de fleurs blanches au printemps, mais ces espèces-ci sont cultivées avant tout pour leur bois très coloré. Loin d’être délicats ou capricieux, ce sont des arbustes résistants et des plus faciles à cultiver. Les bonnes sélections pour l’hiver proviennent de trois espèces:

Cornus alba est originaire de Sibérie et du nord de la Chine. ‘Sibirica’ est le cultivar le plus courant, avec des tiges bien rouges, ‘Aurea’ a les feuilles dorées en été et ‘Variegata’ les feuilles bordées de crème et les tiges bordeaux foncé.

Cornus sericea nous vient d’Amérique du nord et a produit des sélections rouges mais aussi jaunes ou vert fluo comme ‘Bud’s Yellow’ ou ‘Flaviramea’.

Cornus sanguinea quant à lui est simplement européen et produit certaines des ‘flammes’ les plus spectaculaires chez ‘Midwinter Fire’, ‘Winter Beauty’, ‘Winter Flame’, ‘Magic Flame’ et ‘Anny’s Winter Orange’ par exemple.

Si on laisse Cornus alba suivre son développement naturel, on obtient un grand arbuste de plus de 2m, dense et enchevêtré. Les pointes des branches sont bien rouges mais le vieux bois au centre devient gris avec l’âge.

L’arbuste s’étend par stolons et s’élargit donc rapidement. Il convient bien pour des haies mélangées un peu sauvages. Les petites fleurs blanches produites au printemps sont suivies par des baies noires très appréciées des oiseaux frugivores; un bon point pour la biodiversité.

Puisque c’est le bois jeune qui produira les belles tonalités oranges et rouges, il faut tailler toutes les tiges à quelques centimètres du sol chaque année si on veut obtenir ce bel effet de flammes. Les nouvelles pousses seront vigoureuses, bien droites et vivement colorées. Le bon moment pour tailler est le mois de mars, quand on commence à deviner l’arrivée des feuilles. S’il s’agit de plantations nouvelles, attendez un ou deux ans que les plantes soient bien enracinées avant de procéder à cette coupe drastique. Pour éviter un vide dans le parterre vous pouvez planter en dessous des bulbes printaniers ou un joli couvre-sol: petits narcisses, muscari, perce-neige, heucheras, arums, anemones des bois, pervenches, lierre… Les graminées conviennent moins bien car elles doivent généralement aussi être rabattues en mars.

Je récupère ces magnifiques branches taillées pour créer des supports dans le potager, pour les petits pois par exemple. Les rameaux sont aussi très utiles dans les bouquets. Si on les laisse suffisamment longtemps dans l’eau à l’intérieur, de petites feuilles peuvent se développer et peut-être même des racines, vous assurant de nouvelles plantes. Rien de plus facile à reproduire que ces cornouillers; vu que naturellement ils se reproduisent par stolons, il suffit d’en prélever au pied de la plante. Les rameaux se bouturent aussi très facilement.

Dans les jardins entretenus par des entreprises, on voit le plus souvent ce résultat-ci. En plein été, trouvant que l’arbuste fait ‘désordre’, on le passe sauvagement au taille haie. C’est évidemment une solution de facilité qui ne demande pas de grand discernement mais qui, à mon avis, ne fait pas justice à la magie de la plante. Non seulement on n’obtient pas l’effet de feu en hiver, mais en plus on sacrifie toute la beauté du feuillage d’automne.

Comme pour toutes les plantes colorées du jardin, un contraste avec du persistant sombre les mettra en valeur. Contrairement aux Hamamelis qu’il faut voir de près pour apprécier leur délicatesse et leur parfum en hiver, les cornouillers colorés s’apprécient très bien de loin.

Je n’ai certainement pas la prétention de rivaliser avec les grands jardins publics anglais, mais les touffes plus informelles de cornouillers colorés de mon jardin m’enchantent tout l’hiver. L’effet est facile et à la portée de tout un chacun.

Précédent
Précédent

Les saules têtards, patrimoine du paysage

Suivant
Suivant

Le mandarinello ou le soleil d’hiver en bouteille