Face aux frimas, l’hellébore est roi

Comment ne pas nous réjouir du miracle d’une fleur sous la neige? Je ne peux que vous encourager à accueillir les hellébores; ils sont faciles à cultiver, se naturalisent aisément, fournissent une source précieuse de pollen et de nectar en période d…

Comment ne pas nous réjouir du miracle d’une fleur sous la neige? Je ne peux que vous encourager à accueillir les hellébores; ils sont faciles à cultiver, se naturalisent aisément, fournissent une source précieuse de pollen et de nectar en période de disette générale et sont surtout bons pour le moral ! L’hellébore, une plante vivace très solide et dont certaines espèces sont indigènes chez nous, a développé une stratégie d’adaptation à l’hiver qui lui permet de fleurir et de se reproduire efficacement, de décembre pour les premiers, à fin avril.

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La première stratégie de ce héros du froid est une adaptation de la fleur. La partie colorée que nous voyons ne sont pas des pétales mais des sépales, servant à protéger la fleur contre le froid mais aussi les insectes. Les pétales se sont transformés en nectaires, de petites glandes produisant le nectar que l’on voit au centre, comme des petits tubes verts. Les sépales se maintiennent tout au long de la floraison et même de la formation des graines. Grâce à cela, nous profitons longuement du spectacle. La fleur est orientée vers le sol pour protéger ses parties sensibles de la neige.

photo Catherine du roy

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Le grand défi de fleurir en hiver, c’est de parvenir à se reproduire même quand les pollinisateurs sont rares. Une fois de plus, l’évolution a développé des stratégies efficaces. Comme vous le constatez sur cette grappe d’’Helleborus foetidus, il y a des fleurs à différents stades de maturité. L’hellébore présente un grand nombre d’étamines, qui elles aussi mûrissent de manière échelonnée. Le nectar est produit pendant à peu près 20 jours, laissant un peu de temps pour la visite d’un éventuel bourdon. Plus étonnant encore, une levure consomme partiellement ce nectar et l’énergie qu’elle produit chauffe la fleur, la rendant plus attrayante! Enfin, si une fleur a été visitée et fécondée par le pollen transporté par ce pollinisateur de passage, le bord des sépales se teinte de pourpre, indiquant que ‘la boutique est fermée’. Une belle économie d’énergie pour le bourdon suivant! Dernier recours en conditions extrêmes: si aucun insecte n’a pu assurer la pollinisation croisée, la fleur peut s’autopolliniser.

Faisons un tour d’horizon des espèces les plus courantes que vous pourrez planter dans le jardin, dans la nature ou même dans un bac.

Helleborus foetidus, est particulièrement intéressant car c’est une plante indigène que l’on peut trouver en sous-bois sur les terrains calcaires. Il s’adapte à beaucoup de situations et se ressème abondamment. Je dirais même plus qu’il vagabonde, apparaissant où bon lui semble. Les innombrables plantes que j’ai sont toutes issues de 3 plants de la belle sélection ‘Wester Flisk’. Les fleurs vert chartreuse illuminent le printemps et donnent de l’intérêt sous les arbustes dénudés, les Hydrangea paniculata par exemple. Ne vous laissez pas intimider par son nom, il n’est absolument pas malodorant; il faut vraiment froisser les feuilles pour dégager une odeur.

Helleborus argutifolius (aussi appelée corsica) est originaire de Corse et de Sardaigne mais parfaitement adaptable plus au nord; malgré son origine méditerranéenne il a résisté au vortex sibérien. Il forme une plante très vigoureuse, pouvant atteindre 1m de hauteur, avec un feuillage coriace aux bords clairement dentelés. De grandes grappes de fleurs vert chartreuse sont portées sur de fortes tiges, durant plusieurs mois. La plante est peut-être moins raffinée, mais a l’avantage de se ressemer abondamment et de former un couvre-sol lumineux en sous-bois.

Helleborus niger, c’est la dénommée Rose de Noël ou hellébore noir (pour la couleur de sa racine). Il est natif des Alpes notamment et est le premier à fleurir, dès Noël. Ce n’est pas le plus facile à cultiver. Ce montagnard a besoin d’ombre, d’un bon drainage et d’un sol calcaire. Par contre, il intervient dans de nombreux croisements pour tirer parti de sa solidité, notamment dans les Helleborus x nigercors, croisement de H. niger et H. argutifolius (corsica). Ces hybrides forment des plantes solides et portent des fleurs plus hautes que l’espèce de base, blanches virant au vert en vieillissant. Ce sont d’excellentes plantes de jardin, très prisées par les abeilles à peine sorties de la ruche, mais elles ne se ressèment pas et n’aiment pas être bougées.

photo Thierry et Sandrine Delabroye

photo Thierry et Sandrine Delabroye

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Pour les couleurs, en revanche, c’est Helleborus orientalis qu’il vous faut. Ce sont les hellébores les plus connues, qui forment facilement de belles touffes au jardin et se ressèment sans problème dans un sol bien humifère, à mi-ombre. Attention toutefois, vu que les plantes achetées sont issues de croisements, les semis ne seront pas identiques à la plante mère! D’ordinaire on recoupe le feuillage en hiver pour mettre en valeur la floraison. Du blanc au quasi-noir, passant par les roses, les pourpres et même les jaunes, simples ou doubles, à coeur d’anémone, mouchetés ou piquetés, les créations n’ont pas de limites. Le français Thierry Delabroye est roi en la matière et produit les nouveautés époustouflantes que vous voyez sur cette photo. Vous pouvez regarder sa vidéo sur Youtube où il explique son procédé. https://www.youtube.com/watch?v=3f80YpQHBC4

composition de l’Arboretum de KalmthoutLes fleurs d’hellébores passent pour être difficiles à garder en vase et c’est vrai. Il vaut mieux cueillir des fleurs plus avancées où les graines sont déjà présentes. Pour les aider à négocier le choc thermiq…

composition de l’Arboretum de Kalmthout

Les fleurs d’hellébores passent pour être difficiles à garder en vase et c’est vrai. Il vaut mieux cueillir des fleurs plus avancées où les graines sont déjà présentes. Pour les aider à négocier le choc thermique, laissez-les une nuit dans de l’eau au frais avant de les introduire dans les pièces chauffées. Vous pouvez aussi tenter d’ébouillanter brièvement les tiges pour les cautériser. Si elles ne s’effondrent pas tout de suite, les fleurs d’hellébore peuvent tenir assez bien, surtout les foncées. Une jolie solution est de les présenter dans un plat rempli d’un peu d’eau, ce qui met en valeur la subtilité de leurs corolles.

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Vous trouverez toujours de la place au jardin pour un hellébore de plus, mais où trouver ces merveilles?

A cette saison, beaucoup de pépiniéristes vous en proposent et il vaut mieux les acheter en fleur, vu leur grande variabilité. En Belgique, la pépinière Het Wilgenbroek à Oostkamp est spécialiste en la matière et vend en ligne. www.hetwilgenbroek.be

Vous pourrez rencontrer Thierry Delabroye et acquérir ses raretés à la fondation Kreftenbroeck, chez Catherine et Harold du Roy de Blicquy, le 28 février. Le rendez-vous à ne pas manquer des fous d’hellébores.

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