La floraison des glycines: une pluie de fleurs

Une somptueuse glycine violette cascadant du haut d’un mur ou enchevêtrée dans un grillage est un spectacle qui nous enchante tous quand le mois de mai s’approche, même en ville. Nous avons l’impression qu’elles ont toujours fait partie du paysage. Pourtant, toutes choses étant relatives, les glycines sont un ajout assez récent à nos jardins européens. Nous connaissons principalement aujourd’hui les 3 espèces asiatiques, Wisteria sinensis (chinoise) , Wisteria floribunda et W. brachybotrys (toutes deux japonaises). Les premières à arriver en Europe appartenaient cependant à l’espèce frutescens, et provenaient d’Amérique.

L’excellente monographie de la RHS, la Société royale d’horticulture britannique, retrace l’épopée de cette liane splendide. Ce n’est qu’en 1724 qu’un botaniste anglais renvoya à Londres des semences récoltées en Caroline. Il décrivait la plante comme un arbre à haricots de Caroline (les glycines produisent des gousses velues comme des haricots géants). A la fin du 18ème siècle, Linné classa la plante sous le nom de Glycine frutescens, nom qui est resté d’usage courant en français. Au début du 19ème siècle, le genre fut rebaptisé Wisteria en l’honneur du médecin américain Caspar Wistar et c’est le nom qui prévaut en anglais.

Wisteria frutescens

L’espèce américaine est aujourd’hui complètement supplantée par les asiatiques. Le seul cultivar qui se trouve relativement facilement est le très beau ‘Amethyst Falls’ aux grappes de fleurs courtes mais très fournies, bleu améthyste. Le bouton rond est déjà ravissant et le feuillage est fin et soyeux. La glycine américaine pousse moins vigoureusement que ses congénères, la rendant plus adaptée à des structures plus légères comme ce puits. La floraison est un peu plus tardive.

Wisteria sinensis

Les glycines asiatiques sont celles que nous connaissons le mieux. Elles ne sont toutefois arrivées en Europe occidentale qu’au 19ème siècle, car il ne faut pas oublier que, tant la Chine que le Japon, étaient des pays clos comme des huîtres dont l’ouverture a été obtenue par la ruse et la force. Sa beauté, sa vigueur et sa longévité exceptionnelle firent de la glycine un symbole très prisé par la famille impériale en Chine. On la trouve brodée sur les textiles et peinte sur les soies. Ce sont des émissaires britanniques de la Compagnie des Indes Orientales à Canton qui furent les premiers à s’intéresser à la plante et à en envoyer des semences à Londres. Les Wisteria sinensis ne furent multipliées et commercialisées qu’au milieu du 19ème. Follement romantique, énivrante, mauve, orientale, la fleur était dans l’air du temps: l’engouement fut immédiat!

Le cultivar le plus répandu est ‘Prolific’. Bien nommé, il croule littéralement sous les grappes violettes, pas très longues mais très parfumées. Beaucoup de jardins en possèdent de vieux exemplaires, formant parfois de véritables troncs.

Il y a des glycines chinoises avec de subtiles variantes de tons, comme ‘Texas Purple’, ‘Amethyst’, ou la blanche ‘Alba’. Ce sont les premières à fleurir et dès lors, en région froide, un gel de printemps risque d’anéantir la floraison. On profite généralement d’une seconde floraison, moins abondante et un peu cachée par le feuillage. Puis viennent de belles gousses veloutées (toxiques) et enfin une coloration or à l’automne.

Wisteria Brachybotrys

Brachybotrys est la moins connue des deux espèces japonaises. L’ épithète vient des deux mots grecs brachus (court) et botrys (la grappe). De fait, cette glycine forme des grappes plus grosses et plus courtes, d’une vingtaine de centimètres. Délicieusement parfumées, elles apparaissent aussi un peu plus tard et créent un bel effet de masse. Sur cette rambarde au château de Beerlegem, le cultivar ‘Shiro Kapitan’ est spectaculaire.

Ces glycines, dites soyeuses pour leurs jeunes feuilles toutes douces, sont réputées un peu moins vigoureuses que les autres et donc mieux contrôlables. Si les grappes courtes sont moins spectaculaires sur une pergola, elles sont très couvrantes sur un mur ou une structure en obélisque. Les boutons sont très intéressants. ‘Okayama’ est une belle sélection violet foncé, ‘Laetitia’ une création récente, blanche avec un soupçon violacé, ‘Showa Beni’ est rose.

Wisteria floribunda

Voici enfin les glycines qui nous font vraiment perdre la tête! L’envoûtement de tous les sens quand on passe, comme dans cette vidéo, dans un tunnel de longs racèmes animés par la brise, est indescriptible. Les japonais vénèrent leurs glycines depuis toujours mais grâce à l’intrépide médecin Philip von Siebold, les européens partagent leurs sortilèges depuis le milieu du 19ème siècle.

Certains simplifient en disant que les glycines japonaises s’enroulent dans le sens horloger et les chinoises dans le sens anti horloger (le Japon est à l’est, donc à droite, la Chine est communiste, donc à gauche…). Leurs différences sont bien plus subtiles. Toujours est-il que les floribunda ont des racèmes fins et souvent très longs, atteignant des records chez la variante macrobotrys. Ceci les rend particulièrement adaptées à la culture sur pergola, créant un véritable tunnel de fleurs.

De nombreuses sélections ravissantes ont vu le jour récemment, se différenciant par de subtiles différences de tons sur l’étendard (le grand pétale supérieur), les pétales et le coeur. Il y a même des versions à fleurs doubles comme l’étonnant ‘Black Dragon’. Le livre mentionné peut aider à faire un choix. Encore faut-il les trouver. En revanche, voici comment les voir.

Le wisterium de Beerlegem

Un wisterium est aux glycines ce qu’un arboretum est aux arbres: une collection botanique. Hubert et Philippine d’Ursel ont consacré le parc et le vieux potager muré de leur propriété de Beerlegem en Flandre à la création d’un ensemble exceptionnel de glycines. Cette réalisation a pu se faire grâce au travail et à l’expertise de Marc Libert, chercheur du jardin botanique de l’université de Gand. Il y a importé et testé de nombreux cultivars tout en poursuivant un long travail de semis et de sélection.

Ce jardin se visite dans le cadre de l’association Jardins Ouverts de Belgique.

Problèmes possibles

Le principal risque pour sa glycine est un gel tardif, anéantissant une floraison prometteuse en une seule nuit. La chinoise, très précoce, est particulièrement vulnérable. Des températures estivales en février et hivernales en avril ne présagent rien de bon.
La deuxième frustration des jardiniers sont les glycines rétives, qui refusent de fleurir malgré leurs (trop bons) soins. Il faut savoir qu’une glycine issue de semis peut mettre des décennies à produire sa première fleur. Il est dès lors recommandé d’acheter une plante en fleur, d’un producteur fiable, ou du moins de s’assurer qu’elle soit greffée. Ensuite, la traiter à la dure: pas d’engrais et peu d’eau car elles aiment le soleil et supportent la sécheresse. Enfin, tailler, tailler et tailler encore. Pour cela je vous renvoie à un billet précédent et aux bons conseils de Marc Libert.

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