Une petite laine pour…l’été

Laineuses, duveteuses, soyeuses, feutrées, ou veloutées, les feuilles grises font merveille au jardin, particulièrement dans les jardins secs et ensoleillés. Ce n’est que logique car ces pilosités sont une adaptation à des conditions climatiques extrêmes, de chaleur et de sécheresse surtout. Elles limitent la perte d’eau par évaporation en empêchant le soleil d’atteindre directement la surface des feuilles et en formant une couche d’air isolante. De plus, la couleur grise, blanche ou argentée reflète les rayons du soleil, réduisant la chaleur. C’est pour cela que l’on trouve tant de feuillages gris parmi les plantes méditerranéennes. Enfin, les poils peuvent dans certains cas capter efficacement l’humidité de l’air, parfois beaucoup plus importante que l’on pourrait le croire.

Observons quelques favoris parmis les bien poilus.

De nombreuses sauges ont des feuilles bien protégées pour faire face à leur vie dans le maquis. La sauge officinale utilisée en cuisine en est un exemple. Salvia officinalis ‘Nazareth’, que vous voyez ci-dessus, est particulièrement attrayante par ses feuilles très étroites et presque blanches. Elle a en prime toutes les propriétés aromatiques de la version de base. Il convient de retailler fortement l’arbuste après l’hiver pour éviter qu’il se lignifie et pour garder un port bien compact.

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La sauge la plus spectaculaire pour ses grandes rosaces de feuilles lobées et couvertes de coton, c’est Salvia argentea. Malheureusement, ce n’est pas la plante la plus facile à garder. Il lui faut un excellent drainage et beaucoup de soleil (le coton détrempé, ça pourrit vite). Au bout de deux ans, la rosace produit une hampe florale jaunâtre, qui n’est pas d’un grand intérêt esthétique et que l’on peut supprimer à moins de vouloir garder des semences. La sauge argentée est une plante tout à fait désirable … désirée par les limaces autant que par les jardiniers.

Blanc comme neige, c’est le nom bien mérité de Eremophila nivea. Nous avons affaire ici à un arbuste qui peut atteindre près de 2m et qui est certainement le plus blanc du jardin. La floraison violette est très décorative, mais c’est le feuillage qui attire l’attention. Bien que trouvable dans le commerce, cette plante originaire de l’ouest de l’Australie est très rare dans la nature et n’a été officiellement décrite qu’en 1986. Le nom Eremophila vient des mots grecs eremos (solitaire, du désert), à l’origine du mot française hermite, et de philos (ami de, qui aime). Sans surprise, l’arbuste requiert le plein soleil, la chaleur et tolère parfaitement la sécheresse. Un candidat idéal pour le jardin sec. La limite de tolérance au froid serait à -8°C mais je ne l’ai pas testé dans de telles conditions. Niveus (de la neige en latin), fait simplement référence à la couleur de l’épais duvet blanc qui recouvre non seulement les feuilles mais aussi les tiges. On préconise de retailler le buisson après la floraison, mais je constate qu’il devient plus désordonné avec l’âge malgré tout. Je pense qu’il convient de le planter comme fond de parterre où il pourra se développer librement.

Un grand classique qui a toutes les qualités, c’est Jacobaea maritima, précédemment connu sous le nom de Senecio cineraria et encore communément appelé cinéraire (pour sa couleur de cendre). Cette native de la Méditerranée est une des plantes ‘résistatout’ , supportant le plein soleil, la sécheresse, le sel et même des gelées jusqu’à -15°C. Les feuilles tomenteuses sont bien découpées, une autre adaptation permettant de limiter l’évaporation. Ce petit arbuste produit des capitules de fleurs jaune vif en étoile et fait d’ailleurs partie des astéracées. Tout le monde n’apprécie pas le contraste du jaune et du gris, préférant généralement l’association du bleu et du gris. Supprimer la floraison n’est pas un problème car on a tout intérêt à retailler régulièrement et assez sévèrement l’arbuste pour le maintenir compact et provoquer l’apparition de jeunes feuilles encore plus argentées. Si on les laisse fleurir, en revanche, on pourra cueillir de belles brassées de fleurs sur de bonnes tiges, utiles en bouquets frais ou secs. Les cinéraires se prêtent particulièrement bien à la culture en pot en association avec de nombreuses fleurs. Les cultivars ‘Silver Dust’ et ‘Angel Wings’ sont particulièrement beaux.

En couvre-sol ou en bordure, on peut utiliser l’excellent Stachys byzantina appelé aussi Stachys lanata (laineux) Son nom se réfère à sa région d’origine, s’étendant de la Turquie à l’Iran. La forme de la feuille et sa texture merveilleusement douce et souple à valu à cette petite tapissante de nombreux surnoms: Épiaire laineuse, Oreille d'agneau, de lièvre, d’ours ou de lapin… De culture facile, la plante s’étend par rhizomes et forme un tapis dense. Au printemps, elle dresse de longs épis argentés à fleurs rose-violacé. Certains préfèrent les supprimer pour ne garder que le feuillage. Soleil et sol drainé sont une fois encore les conditions primordiales et les graviers ou rocailles sont des biotopes parfaits. On peut l’acclimater dans toutes les régions grâce à sa rusticité à -15 °C. Les soies captent joliment la pluie ou l’humidité ambiante.

Un bel arbrisseau du pourtour méditerranéen est la sauge de Jérusalem, Phlomis fruticosa (frutex est un arbuste en latin, pas un fruit…). Tous les Phlomis sont bien armés face au soleil et on trouve là aussi une espèce dénommée lanata. On a affaire ici à une plante de garrigue typique, encore très répandue dans la nature heureusement. Au printemps elle produit de belles fleurs jaune vif en étages, colorant parfois de grandes étendues. Cette plante sauvage mérite largement une place au jardin.

On trouve encore d’autres choses très curieuses dans la galerie des pileuses: des Buddleia argentés, un origan densément feutré, un Tradescantia qui paraît enrobé de fils de soie, un Gazania argenté. Pour les spécialistes, dans l’ordre: Gazania rigens, Buddleia davidii ‘Silver Anniversary’, Tradescantia sillamontana, Buddleia nivea, Origanum dictamnus.

On pourrait croire que les cactus sont déjà suffisamment protégés contre un soleil de plomb. Mais non, beaucoup d’entre eux s’offrent aussi la protection supplémentaire d’un bon lainage!

Moralité de l’histoire: si toutes ces plantes dromadaires résistent si bien à la canicule, c’est grâce à leur petite laine. Peut-être devrions-nous faire de même, comme le font d’ailleurs les bédouins, et nous couvrir de la tête aux pieds en été! Bye, bye bikinis!

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