Quand un chou se prend pour une asperge

Voici une magnifique récolte de jeunes pousses de choux marins, prêtes à être cuites à la vapeur. Nous sommes en avril et ce légume printanier vaut bien les meilleures asperges. Comme celles-ci il a une touche d’amertume. Ce légume est cependant méconnu, restant l’apanage des vieux potagers traditionnels. Poutant, sa culture est des plus simples, d’autant plus que la plante est vivace. Crambe maritima, le chou marin ou maritime, pousse à l’état sauvage sur les côtes atlantiques. Le développement des zones côtières a cependant largement réduit son habitat naturel qui se limite aujourd’hui à quelques réserves. Le cultiver, c’est aussi promouvoir une belle espèces indigène!

Voici les étapes essentielles jusqu’à l’assiette.

Comment démarrer? Si vous êtes patients, vous pouvez commander des semences de Crambe maritima en ligne et effectuer un semis. Dans de bons marchés de plantes (ici à la fête des plantes d’Aywiers) vous aurez peut-être la chance de vous procurer de jeunes plants. La troisième solution est de trouver des amis généreux, prêts à vous donner une bouture de racine.

Soyez patients et comptez deux à trois ans pour la première récolte. L’effort initial sera récompensé car les plantes peuvent durer de nombreuses années et se ressèment spontanément: vous en aurez pour toujours!

Dès février, la souche qui a perdu toutes ses feuilles en hiver, commence à émettre des bourgeons. Dès ce moment, il faut la couvrir avec de grands pots retournés. L’objectif est de faire pousser la plante dans l’obscurité complète pour la blanchir, ce qui la rend plus tendre et réduit son amertume. Attention: les escargots ne seront que trop heureux de se réfugier dans cette ambiance chaude et humide. Quelques granulés bleus sont donc exceptionnellement de mise… Comme j’ai de nombreux pieds et des semis spontanés, je ne couvre que les plus gros.

Nous voilà en avril: c’est le moment magique où l’on lève la cloche pour découvrir les pétioles bien blanchis et les jeunes feuilles croquantes.

Pour récolter, il suffit de couper toutes les pousses près de la base. Remarquez qu’il existe 2 variétés de chou marin. La plus courante a un feuillage gris argenté et est jaune pâle quand on la blanchit. Plus belle encore, la variété pourpre fait de magnifiques jeunes pousses roses.

Côté cuisine, vous pouvez traiter les choux marins comme des asperges et les servir cuits à la vapeur. Du beurre fondu, un peu d’huile ou mieux encore, une sauce mousseline feront justice à leur saveur délicate.

Après cette récolte unique, il n’y a plus qu’à laisser faire: la plante repousse toute seule et cette fois-ci on la laisse tranquille. Vous pourrez bientôt apprécier son magnifique feuillage argenté et ses jolies fleurs blanches. Elles exhalent un parfum des plus doux, que les anglais qualifient d’haleine de bébé, attirant une nuée d’insectes vers ses réserves généreuses de pollen et de nectar. Je déplace les pots vers un espace vide, trouvant malgré tout esthétique de les laisser en place jusqu’à l’automne.

Ce drôle de chou est tellement décoratif en soi qu’il peut parfaitement avoir sa place dans un parterre où il tiendra son rang parmi les vivaces. Dans mon potager, des ancolies intruses se sont faufilées parmi les choux. La scène est charmante; comment ne pas les laisser faire?

Longtemps dénigré comme l’asperge des pauvres, le chou marin a gagné un statut de légume d’exception depuis que l’omniprésence des asperges espagnoles leur a fait perdre leur caractère exclusif.

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