De la dentelle dans les prés

Un printemps humide et frais n’est pas du goût de tout le monde, mais certaines belles fleurs sauvages n’attendent que cela pour envahir les prairies. Un terrain humide et frais est leur royaume.

Anthriscus sylvestris, le cerfeuil sauvage

Quoi de plus gracieux et vaporeux qu’une prairie envahie de cerfeuil sauvage? Cette ombellifère pousse en masse parmi les herbes, souvent en compagnie de boutons d’or, atteignant parfois 150 cm de haut. Son feuillage fin et tripenné ressemble à celui des fougères. La plante est apparentée au cerfeuil cultivé, Anthriscus cerefolium, qui, avec le persil, la ciboulette et l’estragon, forme le quatuor des fines herbes incontournables de la cuisine française. Le cerfeuil sauvage est-il pour autant comestible? Pour commencer, sa racine est toxique. Ensuite, si ses fleurs et ses feuilles sont bien mangeables, elles n’ont pas une saveur intéressante. Enfin, le risque de confusion avec des ombellifères très nocives, comme la fameuse cigüe, est trop important pour prendre le moindre risque. La plante est cependant utilisée en médecine chinoise.

L’habitat favori du cerfeuil sauvage sont les terrains riches et humides, parfois en bordure de haies ou de bois. Il pousse en colonies particulièrement importantes dans les habitats qui ont été perturbés par la main de l’homme: talus des routes, bords des fossés ou prairies fauchées.

Portées par des tiges cannelées et creuses, les rayons des ombelles sont encore divisées en ombellules, portant de toutes petites fleurs blanches. Une quantité d’insectes s’y posent dans la prairie. Par sa taille et sa légèreté, Anthriscus sylvestris est très utile pour les grands bouquets champêtres. Quelques boutons d’or l’accompagnent comme dans la nature.

Stellaria, la stellaire

Infiniment gracieuse, la stellaire enfile ses tiges grêles, aux petites feuilles linéaires, entre les longues herbes. Elle est bien nommée pour ses fleurs en étoile. Ses cinq pétales blanches sont profondément échancrées, donnant l’impression qu’il y en a dix.

Parsemant l’herbe de ses fleurettes blanches, elle partage ici le bord du fossé avec la consoude, autre amatrice d’abords humides.

Lamium album, l’ortie blanche

On l’appelle ortie blanche pour la ressemblance de sa feuille avec l’ortie. Son autre nom commun de lamier blanc est plus approprié. En effet, l’ortie urticante, Urtica dioica, appartient à un autre genre et même une autre famille car il y a les lamiacées et les urticacées. Malgré ses feuilles dentelées et duveteuses, cette plante ne pique pas!

Les corolles à deux lèvres s’ouvrent comme une gueule, cachant un nectar très attirant. La plante s’étend par rhizomes, formant des colonies assez importantes parmi les herbes des prairies et sur les bords des bois humides.

Les jeunes pousses et les fleurs sont comestibles et la plante entre dans certaines préparations médicinales, notamment contre la goutte.

Une utilisation moins courante de l’ortie blanche est la décoration. Ses tiges à section carrée assez fermes se maintiennent très bien dans un vase. Pour un effet plus sophistiqué et surprenant, on peut s’amuser à éplucher les feuilles, ne laissant que les fleurs et la touffe sommitale.

Alliaria petiolata, lalliaire officinale

Nous restons dans le blanc pour cette quatrième fleur sauvage fleurissant en mai. Nous avons affaire ici à une brassicacée, appelée aussi crucifère pour ses fleurs en croix caractéristiques. Alliaria petiolata est une bisannuelle, formant une belle rosette de feuilles la première année, avant de lancer ses hampes florales jusqu’à 1m de haut la seconde. Elle forme ensuite de capsules fines et allongées qui éclatent pour disséminer les graines aux alentours. Elles germent facilement dans les parterres où j’avoue les tolérer volontiers, d’autant plus que la plante est facile à arracher après la floraison. Je conseille de le faire quand les capsules sont encore vertes pour ne pas en avoir partout. Le feuillage clair et joliment denté et ses fleurs au parfum doucereux ne déméritent pas au jardin.

L’alliaire officinale est aussi appelée herbe à ail (garlic mustard en anglais) et ses jeunes feuilles, hâchées, combinent les saveurs de l’ail et de la moutarde. Répandue à travers toute l’Europe, ce serait même une de nos épices les plus anciennes, utilisée depuis le Néolithique. Elle aurait des propriétés diurétiques et désinfectantes, entrant donc dans les officines de pharmacie. Les colons crurent donc bien faire en l’introduisant en Amérique où la plante se comporta très mal et devint une peste envahissante. Une fois de plus, l’homme aura été un mercenaire au service de plantes conquérantes…

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