Quelques arbres couleur crevette

Couleurs d’automne? Que non, voici un érable en robe printanière. Débourrant rouge vif, les jeunes feuilles vont progressivement se décolorer vers le rose. Au fur et à mesure que la chlorophylle se développe, elles vont perdre cette belle couleur crevette et virer au vert. C’est un peu comme un automne à l’envers!

Les scientifiques pensent que les anthocyanes, responsables de ce pigment rouge, pourraient protéger les jeunes feuilles du froid ou des rayons ultraviolets.

Plusieurs érables japonais ont cette particularité, les rendant très attrayants au printemps. Sur les deux premières photos il s’agit probablement de Acer palmatum ‘Beni Maiko’ qui forment le petit arbre ci-dessus. Les petites feuilles rose pâle et très découpées appartiennent au délicat ‘Butterfly’, ravissant mais facilement grillées par le gel ou le soleil.

A la Fête des Plantes d’Aywiers, en Belgique, la pépinière Choteau présentait toute une collection d’érables du Japon teintés de rose au printemps, dont Acer palmatum ‘Shiraz’, ‘Ukigumo’, ‘Isobel’, et ‘Beni Tsukasa’ ci-dessus. Il en existe bien d’autres. Certains, très raffinés, conviennent particulièrement à la culture en pot ou à la création de bonsaïs.

Parmi les érables sycomores de chez nous, un favori est Acer pseudoplatanus ‘Brilliantissimum’. Ses feuilles démarrent blanchâtres, teintées de rose pâle. Le ton s’intensifie avant que la chlorophylle ne prenne le dessus. Le feuillage de cet arbre qui atteint 7-8 m reste cependant clair et particulièrement lumineux, d’où son nom.

D’autres espèces d’érables sont recherchées pour leur feuillage printanier rose: Acer conspicuum ‘Esk Flamingo’ par exemple.

On trouve beaucoup de flamants roses dans le noms, mais l’arbre le plus remarquable me paraît Toona sinensis ‘Flamingo’. Ses bourgeons rose vif apparaissent en avril et déploient peu à peu de longues feuilles pennées dont le ton pâlira jusqu’à atteindre un rose pâle presque translucide en juin avant de virer au vert. Malgré son air exotique, cet arbre originaire de Chine est rustique jusqu’à -25 °C. Le Toona est communément appelé Acajou de Chine car son bois rouge est considéré précieux. Dans son habitat naturel l’arbre pousse jusqu’à plus de 30 m de haut avec un tronc très droit et est très prisé pour l’ébénisterie. Dans le jardin il drageonne un peu, ce qui permet de distribuer des jeunes aux amis.

Fait tout à fait remarquable, les feuilles de l’Acajou de Chine sont comestibles. A ce titre, elles font même la couverture de l’excellent livre de Didier Willery et Pascal Garbe sur le sujet. En Chine, ces feuilles au goût subtilement poivré sont intégrées dans les woks. Quelques jeunes pousses ajoutent saveur et exotisme aux salades.

J’ai bien dit qu’il s’agissait d’un grand arbre. Pour avoir des feuilles à portée de main il convient donc de le recéper régulièrement. Didier Willery procède de la sorte dans ses parterres où tout est à la fois beau et comestible.

On trouve des jeunes pousses admirables dans les marronniers. Non pas chez le marronnier d’Inde courant, Aesculus hippocastanum, mais bien chez les espèces américaines moins courantes. Le plus rouge, virant au saumon est Aesculus x neglecta ‘Erythroblastos’ (du grec, littéralement ‘bourgeon rouge’). Le cultivar A. x neglecta ‘Autumn Fire’ est aussi flamboyant au printemps qu’à l’arrière saison. Aesculus pavia, qui peut atteindre 8 m et aura de belles fleurs rouges, déploie lui aussi des bourgeons rose brun, en particulier la sélection ‘Purple Spring’. Aesculus parviflora, un petit arbre multitronc qui drageonne affreusement, présente de magnifiques jeunes feuilles bronze. Tous ces arbres s’intègrent notamment dans des parterres couleur ambre, avec des pivoines Itoh dans les mêmes tons ou parmi des Heuchera dans la gamme des ‘Caramel’, ‘Marmelade’ et autre ‘Crème Brûlée’.

Et pour un coeur tout rose, on choisira une charmante version de l’arbre de Judée, Cercis canadensis ‘Carolina Sweetheart’.

Le petit arbre rose le plus populaire reste cependant le saule ‘Hakuro Nishiki’. Les jeunes pousses, presque blanches, sont teintées de rose pâle, tiges comprises. Les feuillage devient ensuite vert clair mélangé de crème. Bien qu’existant sous forme d’arbuste, la forme sur tige a conquis les petits jardins à front de rue. Cette sucette rose a été surexploitée à mon avis, la rendant un peu écoeurante.

Tous ces arbres ajoutent de la couleur et de l’intérêt au jardin en début de saison. Mais, comme pour les bonbons roses, mieux vaut ne pas en abuser. Si on peut accueillir un flamant rose dans son jardin, n’en faisons pas un zoo!

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