Les hybrides de moschata, des roses au naturel

La rose fascine et, depuis des siècles, les rosiéristes ont cherché à améliorer les espèces qui poussent sauvages dans la nature. L’objectif peut être multiple: meilleur port, santé, plus de parfum, fleurs plus grandes, diversité des couleurs. La recherche a fait l’objet de modes. Après la guerre, ce sont les roses hybrides de thé, aux longues tiges bien droites et aux grandes fleurs turbinées et parfumées qui ont eu la cote. Ce sont les roses des fleuristes et des obtenteurs, comme le français Meilland, ont connu un succès fou avec certains rosiers phare. En Belgique, le rosiériste Louis Lens irait à contre-courant, recherchant un effet naturel et paysager. Le rosier ‘Penelope’, créé par Pemberton en 1924, serait une source d’inspiration.

Le très beau livre de Ann Velle, son successeur à la pépinière, relate son aventure. Louis Lens naquit en 1929, fils d’un rosiériste déjà établi. Il commence donc par produire des roses commerciales tout en se mettant à étudier systématiquement les roses anciennes. Dès 1970, il décide d’améliorer les roses sauvages, dites botaniques. Cette démarche était innovante pour l’époque. Sont point de départ sera Rosa moschata, la rose musquée. Le livre explique que l’espèce, originaire d’Asie Centrale, a séduit la Perse avant de conquérir toute la Méditerranée. Signalée à l’Alhambra de Grenade, elle aurait atteint l’Angleterre vers 1600. Arbuste de 3-4 m de haut, une de ses particularités est une belle floraison automnale.

Les roses ont toutefois des généalogies très complexes, et ce qu’on appelle aujourd’hui hybrides de moschata, n’ont qu’une parenté lointaine avec la rose musquée d’origine. Différentes roses sauvages et cultivées ont contribué à leurs caractéristiques. Lens a eu des prédécesseurs dans ses recherches. Le rosiériste allemand Peter Lambert, à Trèves, avait déjà créé des hybrides de moschata, dont ‘Mozart’ (1ère photo) en 1937. En Angleterre, le Révérend Pemberton produisait des roses similaires, dont ‘Robin Hood’ en 1927 (2ème photo). On lui doit aussi ‘Penelope’, baptisée en 1924 et encore très populaire.

Le ménage Bentall succède à Pemberton et leur pépinière produit quelques roses qui sont devenues des modèles du genre et se trouvent encore aujourd’hui dans les bons catalogues.

‘Pink Prosperity’ de 1931, a de jolies fleurs doubles rose tendre. On remarque une des caractéristiques de ce groupe de rosiers; les bouquets de fleurs se forment au bout de branches souples, souvent arquées par le poids des fleurs. Elles partent de la base, du point de greffe.

‘Ballerina’, de 1937, est aujourd’hui encore le véritable modèle du genre, avec ses innombrables petites fleurs simples groupées en bouquets. La fraîcheur de cette floraison rose pâle au coeur blanc, paré de belles étamines jaune vif, est tout à fait délicieuse.

Louis Lens se lance dans l’aventure et produit une belle gamme d’arbustes à fleurs simples dès les années 1980. Sa série des musiciens est très appréciée dont ‘Puccini’, rose pâle, ‘Paganini’, aussi vif que sa musique, ou ‘Schubert’, rouge à coeur blanc.

De par sa proximité, la pépinière Louis Lens à créé de nombreux hybrides de thé dédiés à des amatrices ou des personnalités du jardin en Belgique; (dans l’ordre) Claire Jolly, Françoise Drion, Brigitte de Villenfagne et Dinky par exemple. Il en a beaucoup et pour tous les goûts. On peut se faire un jardin en s’entourant d’amis …

En créant des roses à l’aspect très naturel qui peuvent sortir de la roseraie pour s’intégrer dans les parterres, les haies et le paysage, Lens était un précurseur. Aujourd’hui, c’est exactement ce que l’on recherche. Ces rosiers sont sains et ne nécessitent pas de traitements. Leur première floraison fin juin (ce qui est relativement tard) se prolonge jusqu'à l’automne car de nouvelles branches se forment à la base tout au long de la saison.

Côté taille, on se facilite aussi la vie car aucune taille n’est requise tout au long de la saison. Les fleurs seront suivies de charmants petits cynorrhodons rouges. Parfois les dernières fleurs et les fruits coïncident, ce qui est du plus bel effet. Au début du printemps, il suffira de mettre un peu d’ordre dans ses arbustes en supprimant les branches mortes, abîmées ou qui s’entrecroisent.

Même ceux qui jardinent sur terrasse trouveront des cultivars qui conviennent particulièrement à la culture en (grand) pot. Ici, l’adorable ‘Pink Spray’, bien nommé avec ses jets de minuscules fleurs simples roses. Sa floraison est longue et relativement tardive. Les feuilles, également petites et vert clair, sont très décoratives.

Louis Lens décéda en 2001. Une rose étonnante qu’il avait produite à partir d’un croisement contenant des gènes de R. ‘Mutabilis’ n’avait pas été nommée. Les fleurs de ce grand arbuste au feuillage bronze, passent du jaune au rose puis au blanc en se fanant. Ann Velle, qui reprit les rennes de la pépinière dédia ce rosier à son prédécesseur en 2011: ‘Souvenir de Louis Lens’.

Ann compte aujourd’hui de nombreuses belles obtentions à son actif. Son livre, richement illustré, est un outil indispensable pour faire un choix parmi ces beautés naturelles qui vous seront fidèles pendant de longues années.

En matière de roses, la Belgique peut être fière…

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