Le myosotis et ses semblables

De petits yeux bleu azur sourient dans la fraîcheur d’avril. On succombe à leur charme naïf. Ils appartiennent à l’aimable myosotis, mais aussi à d’autres très belles petites plantes printanières. Toutes sont cousines, appartenant à la grande famille des boraginacées, nommée pour la bourrache, à fleurs bleues étoilées elle aussi. On les appelle myosotis du Caucase, myosotis des Îles Chatham ou buglosse toujours verte, mais ces noms vernaculaires sont trompeurs: ce ne sont, malgré les similitudes, ni des myosotis, ni des buglosses. Faisons un peu d’ordre.

Myosotis

Dans une légende germanique, un chevalier en armure se pencha au bord d’une rivière pour cueillir un bouquet de jolies sauvageonnes bleues pour sa belle, tomba à l’eau et fut emporté par les flots. Il eut juste le temps de lancer le bouquet vers la berge en s’écriant: “Ne m’oublie pas!” Dans les langues germaniques, les noms sont évocateurs: forget-me-not, vergeet-mij-nietje, Vergismeinnicht… Dans le langage des fleurs, la petite bleue symbolise la mémoire fidèle. Assez ironiquement à mon sens, la Société Alzheimer en a fait son symbole.

Une fois n’est pas coutume, le français est plus prosaïque et utilise le nom commun de myosotis, ou oreille de souris, se référant à la petite feuille velue de la plante (du grec mys, myos, souris et ous,otos, l’oreille).

Myosotis sylvatica est sans doute l’espèce que nous connaissons le mieux et cultivons dans les jardins, mais dans la nature on retrouve des myosotis très semblables dans différents habitats: alpestris (des Alpes), arvensis (des champs), scorpioides (des marais)…

Cette petite plante est une vivace de courte vie mais qui se ressème très facilement dans les parterres. Il faut pour cela laisser se former les petites semences noires qu’on peut secouer un peu partout. Le myosotis aime les sols riches et frais. Il se forme d’abord une rosace dense de petites feuilles velues, ne dépassant pas 15 cm. La floraison s’étend d’avril à juin avec des grappes de petites fleurs plates à 5 pétales avec un coeur jaune. Il en existe des versions blanches et roses.

Dans le jardin, ces petites plantes donnent vie aux parterres en début de saison, entre le vivaces et le bulbes par exemple. Elles ont aussi adorables dans les jardinières. Une fois qu’on en a, elles vous restent effectivement fidèles sauf pour la couleur. J’ai essayé de n’en avoir que des blanches, mais le bleu revenait toujours. Le jardinage est une longue série d’abandons…

Pentaglottis

Pentaglottis sempervirens est elle aussi une boraginacée, endémique dans nos régions du sud ouest de l’Europe. Le genre dérive aussi de mots grecs signifiant ‘cinq langues’, sans doute par allusion à ses petits pétales bleus. Le nom français le plus commun est buglosse toujours verte. Les petites fleurs azur à coeur blanc, portées par des hampes qui peuvent atteindre près d’un mètre, se développent à partir de boutons roses. Elles sont très mellifères et sont présentes d’avril à juin. Cette indigène pousse en bordure de bois, appréciant les sols humides et supportant le calcaire.

Bien que rêches et velues, les feuilles de Pentaglottis n’ont rien à voir avec nos petites oreilles de souris. Elles mesurent bien 30 cm de long et ressemblent plutôt à des feuilles de consoude. Comme l’adjectif sempervirens le laisse entendre, elles restent présentes l’hiver, comme on peut le voir ici au pied d’hydrangeas.

Tout comme la consoude, cette parente proche produit une longue racine pivotante, noire et charnue, rendant la plante difficile à arracher. Certains la considèrent d’ailleurs comme une peste envahissante.

Je l’ai appris à mes dépens! Ayant trouvé la plante dans le jardin en arrivant, j’en ai déplacé quelques plants dans une bonne terre lourde et mulchée au pied des Hydrangea paniculata. Bientôt l’invasion était totale et ici aussi j’ai du abandonner la lutte. En définitive, le résultat est assez plaisant. En hiver, le feuillage vert couvre l’espace sous les arbustes nus. Puis vient la longue floraison bleue, un champ de bonheur pour les pollinisateurs. Après la floraison, le seul travail est d’arracher les hampes florales fanées. Les paniculata assurent le spectacle pour la deuxième moitié de l’année.

Brunnera

Cette autre cousine à petites fleurs étoilazur est appelée myosotis du Caucase ou Brunnera macrophylla (pour le botaniste suisse Samuel Brunner). Les tiges florales sont ramifiées et atteignent 50 cm. Elle est originaire des forêts humides de l’est de l’Europe et notamment du Caucase. Certaines espèces du genre se trouvent jusqu’en Sibérie.

Nous avons ici un couvre-sol formidable, qui s’étend par rhizomes traçants et par semis sans devenir envahissant. Après la floraison qui démarre dès le mois de mars, de magnifiques feuilles cordiformes se développent et couvrent le terrain. Cette vivace est précieuse pour l’ombre et les sous-bois frais mais se plaît aussi en avant plan des parterres si le sol est lourd.

Les Brunnera ont vraiment de l’intérêt sur une très longue période: on apprécie leur floraison précoce d’abord mais ensuite leur feuillage pour le reste de la saison. Les horticulteurs se sont surtout concentrés sur ce dernier aspect, créant des cultivars étonnants. Dans le dorés ont trouve ‘Green Gold’ et ‘Diane’s Gold’. ‘Variegata’, ‘Dawson’s White’ et ‘Cream Edge’ ont le feuillage panaché. Les plus originaux sont les sélections à feuilles argentées, quasi métallisées, dont le classique ‘Jack Frost’ photographié en gros plan ci-dessus. Il y a aussi quelques variantes à fleurs blanches.

Les Brunnera macrophylla ajoutent beaucoup de légèreté et de charme au jardin printanier. Elles se faufilent entre les géraniums vivaces, les tulipes et une heuchère pourpre.

Myosotidium

Voici encore une cousine, plus rare, photographiée dans un jardin breton. On l’appelle Myosotidium hortensia et vulgairement myosotis des îles Chatham. Ces dernières n’ayant pas fait partie de mes cours de géographie scolaires, j’ai dû lancer une recherche pour les situer. Je peux donc vous informer qu’il s’agit d’un territoire très au large de la côte est de la Nouvelle Zélande: le bout du monde en somme. N’allez pas imaginer des cocotiers et du sable blanc sur ces îles du Pacifique. Les photos des Chatham font plutôt penser aux côtes déchiquetées et sauvages de l’Ecosse et cette vivace étonnante y pousse jusqu’à sur les plages granitiques.

Cette origine explique pourquoi cette petite vivace est méconnue chez nous et trouve une niche dans le climat breton, humide et sans fortes gelées. Le type a les fleurs bleues, rappelant effectivement une inflorescence d’hortensia, mais il existe un cultivar bicolore bleu et blanc ainsi qu’une version blanche.

Il ne vous reste plus qu’à succomber au charme de ces petits yeux bleus et pétillants.

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