Le lilas des Indes, ni lilas, ni d’Inde

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Il y a des plantes de choix qui, pour mille et une raisons, sont méconnues et sous-utilisées. On passe ainsi à côté de véritables trésors pour se limiter à des choix classiques. Le Lagerstroemia, appelé aussi lilas des Indes, lilas d’été, ou myrte de crêpe fait partie de ces trésors.

Au cours de voyages ou de vacances dans des climats chauds vous aurez peut-être aperçu ces petits arbres ou grands arbustes couverts de fleurs roses, blanches ou violettes. Les pétales ourlés, froufroutants, sont tout à fait caractéristiques et ont inspiré le nom de myrte de crêpe.

Dans Lagerstroemia vous percevez des sonorités nordiques et c’est effectivement en l’honneur d’un suédois de Göteborg, Magnus von Lagertroem (1696-1759) que le genre fut nommé. Ce monsieur était directeur de la Compagnie des Indes orientales suédoise et, à ce titre, ramena de ses voyages en Inde de nombreuses plantes pour son ami et compatriote Linné. L’arbuste en question fut introduit en 1759. Réalisant qu’il s’agissait d’un genre nouveau pour la science européenne, Linné nomma la plante Lagerstroemia indica. En réalité, l’espèce n’est pas originaire des Indes; elle provient de Chine où elle agrémentait les temples depuis des siècles. De Chine elle fut introduite en Inde avant d’arriver en Suède. Ce n’était pas la dernière étape de son long périple.

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La floraison tardive de cet arbuste, étalée de juin à septembre-octobre, est un de ses atouts majeurs; il n’y a pas tants d’arbustes à floraison estivale. Les fleurs apparaissent sur l’extrémité des branches sur le bois de l’année et peuvent couvrir toute la plante. Après la floraison, des capsules vont se former, qui deviendront noires et persistent sur les branches pendant l’hiver.

Le lilas des Indes type forme un petit arbre élégant et naturellement assez régulier, ne nécessitant pas de taille. Le feuillage est caduc mais la silhouette hivernale est agréable, d’autant plus que l’écorce se desquame joliment et peut révéler des tons ivoire ou cannelle. La croissance du Lagerstroemia est lente, surtout les premières années, et il faut plusieurs années pour avoir un beau spécimen. En revanche, cette lenteur est une qualité dans certaines situations. Pour un petit arbre de position dans un jardin de ville ou dans un patio c’est un excellent choix qui ne nécessitera pas d’entretien et ne risque pas de dépasser l’espace qui lui est assigné.

Le feuillage débourre tard au printemps, pouvant même attendre le mois de mai si le temps est froid. On peut s’impatienter et croire que sa plante n’a pas résisté à l’hiver mais en réalité cette caractéristique protège la plante des gelées tardives. Beaucoup de nouvelles variétés ont été sélectionnées pour leur feuillage luisant et pouvant prendre des teintes sombres, comme ici chez ‘Sioux, ‘Victoria’ et ‘Ebony Flame’, noir d’ébène. La coloration automnale passe par les tonalités jaunes, oranges et rouges.

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On peut donc légitimement se demander comment il se fait que le Lagerstroemia soit quasiment absent des jardins au nord de la Loire. La réponse est simple: l’espèce type, L. indica, n’est pas rustique. Par bonheur, l’Arboretum national américain s’intéressa à la question et résolut de développer des espèces pouvant supporter des gels allant jusqu’à -15 °C, parfois même -20°C. Pour ce faire ils créèrent des hybrides entre L. indica et L. fauriei, une espèce provenant de l’île japonaise de Yakushima, réputée pour son mauvais climat. Cette dernière espèce forme un arbre plus grand, à floraison blanche et dotée d’une magnifique écorce cannelle. L’hybride Lagerstroemia x fauriei ‘Sarah’s Favourite’, représenté ici, en est un bel exemple, pouvant atteindre 7-8 m.

L’objectif des américains était de produire des plantes rustiques, supportant la chaleur et le froid, le soleil et la sécheresse. Une ambition supplémentaire était d’avoir des arbustes fleurissant 100 jours d’affilée. C’est ainsi que naquit la collection ‘Indian Tribes’.

Comme moi, vous aurez sans doute déjà entendu parler des sioux, peut-être des hopi. Mais les natchez, zuni, tonto, muskogee, catawba, acoma, pokomake, tuscarora et atrapalo sont toutes des tribus indiennes qui ont donné leur nom à des cultivars ‘Indian Tribes’. Voilà que nous faisons un peu d’anthropologie!

Heureusement pour nous, un ménage de pépiniéristes flamands, Geert et Ingrid Devries-Luyssen, se passionna pour les Lagerstroemia et commença à développer un programme de culture à partir des cultivars américains. Dix ans plus tard, la pépinière belge propose plus de 30 variétés rustiques qui ont conquis la Flandre et les Pays-Bas. On peut leur commander des plantes sur le site www.lagerstroemia.be ou www.sierplant.be. Ils sont régulièrement présents lors des bonnes fêtes des plantes.

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Avec sa tolérance à la sécheresse, son amour du soleil, sa longue floraison et son beau feuillage, le lilas des Indes est certainement une plante d’avenir. Il y en a de toutes les tailles, y compris des plantes retombantes, comme ici ‘Houston’, un cultivar rouge qui convient parfaitement pour une culture en pot sur une terrasse ensoleillée et ne manquera pas d’attirer l’attention.

Il faut seulement s’armer d’un peu de patience… J’ai planté un petit ‘Sioux’ qui pousse gentiment mais n’a pas encore daigné fleurir. Une consolation toutefois: à l’automne il déterre la hache de guerre et se pare de couleurs vives impressionnantes comme un guerrier des grandes plaines.

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