Une explosion de papillons

Je m’empresse de dire que je ne suis pas lépidoptériste et ne vais pas entrer dans un débat de spécialistes. D’ailleurs, même si je défends bec-et-ongle l’usage des noms latins pour les plantes, je vous les épargnerai pour les visiteurs ailés, moins nombreux, et dont les noms communs sont si évocateurs. En matière de papillons, je me contente de les observer dans le jardin et de m’émerveiller. Cette fin d’été a connu une explosion de papillons, un véritable enchantement. L’été a été humide (un euphémisme) et donc favorable à la croissance des plantes qui nourrissent les chenilles, suivi de journées ensoleillées qui favorisent l’éclosion et les ébats des imago (les papillons adultes). Voici quelques plantes autour desquelles le papillonnage était intense. Profitez de la saison des fêtes des plantes et des plantations pour renforcer la présence de ces sources de nectar tardives dans vos parterres. Les abeilles et autres pollinisateurs s’en régaleront également.

IMG_3278.jpg

Le terrain d’atterrissage favori des lépidoptères est la grosse inflorescence platte, composée d’innombrables fleurs individuelles, de Hylotelephium spectabile. (Il va falloir s’habituer au nom épouvantable de ce qui était autrefois un simple Sedum). Cette plante un peu grasse est une valeur sûre des jardins d’arrière saison, remarquablement résistante tant au chaud qu’au froid et même à la sécheresse. On peut parfois observer plusieurs abeilles et papillons se partageant la mangeoire.

Ici, un Paon-de-jour s’est posé avec grâce. C’est un des papillons les plus reconnaissables grâce à ses ocelles qui ressemblent à des plumes de paon, d’ou son nom vernaculaire. Les dessous des ailes est tout noir et il semblerait que quand il les ouvre brusquement il effraie les prédateurs potentiels qui y voient peut-être des yeux de chat.

Les papillons adorent le mauve apparement; cela tombe bien car j’ai aussi un faible pour cette couleur. Utilisé à tour de bras dans les jardins secs, de graviers ou de type prairie entre les graminées, la verveine de Buenos Aires, Verbena bonariensis, fleurit abondamment en fin d’été et les longs tubes des ses corolles semblent bien pourvus de nectar. Cette plante charmante et élancée se ressème avec facilité et vagabonde librement, donnant un aspect informel aux parterres. Abeilles et papillons en raffolent. Dans la vidéo on voit un ballet entre Paons-du-jour et Piéride sur les verveines. Le visiteur sur la photo de couverture est la spectaculaire Petite tortue, un papillon au corps brun bien poilu. Les ailes orange vif sont marquées de taches jaunes et noires et bordées d’un bande noire avec une mosaïque de cercles bleus. Une fois les ailes fermées, rien ne distingue ce lépidoptère d’une feuille morte: son camouflage est parfait.

Ce visiteur un rien plus petit, amateur de verveine lui aussi, est un Robert-le-diable. Orange tacheté de brun, il se distingue par le contour très découpé de ses ailes. Je l’aperçois de manière fugace dans le potager où il goûte aux fruits d’automne. Les framboisiers et groseilliers sont d’ailleurs des plantes hôtes de l’espèce. Le Robert-le-diable hiverne chez nous, se mimétisant lui aussi avec les écorces et le feuilles quand il referme ses ailes.

Dans un parterre bien fourni en asters de différentes couleurs et tailles cela papillonnera ferme. Plusieurs espèces y trouvent leur bonheur. Dans l’ordre, le Tircis est un papillon brun sombre, marqué de tâches jaunâtres avec quelques ocelles sur le bas des ailes. La Piéride du chou, couleur crème avec un joli point noir, est très commune. Après le Paon-de-jour, le plus spectaculaire est le beau Vulcain, évoquant un volcan en éruption, noir et rouge vif sur les bords avec quelques taches et un fin liseré blanc.

Ce dernier est réellement étonnant car il est migrateur, passant l’hiver dans les contrées chaudes. Il est difficile de concevoir que, comme les oies aux ailes puissantes ou les hirondelles aérodynamiques, ces frêles créatures soient capables de parcourir des distances ahurissantes, jusqu’à 5000 km, pour trouver un peu de chaleur. Les adultes partent du Maroc et longent la côte atlantique jusqu’à rejoindre nos contrées. Ils se reproduisent, pondent, puis la nouvelle génération effectuera le voyage en sens inverse. Les Vulcains que l’on peut voir sur nos fleurs de fin d’été prennent en réalité des forces pour un long voyage!

Quelques mètres carrés de plantations informelles, mêlant des sauges, des scabieuses, des verveines, du lin, fleurissant toutes à l’automne, créeront un milieu très hospitalier. J’ai mêlé ici Knautia arvensis, une indigène, Verbena bonariensis, Salvia ‘Big Blue’, impressionnante mais à traiter en annuelle, et la charmante Salvia ‘Nachtvlinder’ (opportunément nommée ‘papillon de nuit’), avec des petites fleurs presque noires et une des plus rustiques qui fleurit jusqu’en novembre.

L’énorme chenille arlequin du Machaon est une curiosité de la nature. Ce papillon devient rare en Belgique mais est beaucoup plus fréquent au sud. Je guette toujours le feuillage du fenouil, son hôte principal, dans l’espoir d’apercevoir une de ces étonnantes chenilles. Celle-ci date de juin 2018 … L’imago du Machaon est splendide et visite les fleurs de fin d’été des jardins de soleil, comme les Lantana et ici l’excellent Duranta erecta à la floraison tardive.

IMG_3367.jpg

Les écologistes vouent aux gémonies les célèbres Buddleia, que nous surnommons ‘arbre à papillons’ tant ils les attirent. Tout d’abord, ils considèrent l’espèce hautement invasive, ce qui est vrai; elle apparaît en ville dans les friches et même sur les toits et les balcons, sans invitation. De plus, ce serait en quelque sorte un miroir aux alouettes, attirant irrésistiblement les papillons mais les récompensant mal de leurs efforts de pollinisation en leur fournissant un nectar de piètre qualité. Ici, la jolie Piéride du chou n’a pas fait la difficile.

Pour sa floraison tardive et mauve, je préfère infiniment le poivrier des moines, Vitex agnus-castus, un arbuste tout aussi apprécié mais beaucoup moins courant. Le Paon-du-jour le butine activement. En août 2020 j’ai pu y surprendre une magnifique Écaille chinée, un papillons qui vole de jour comme de nuit. Ses ailes antérieures sont noires, striées de crème et les postérieures rouge vif, tachetées de noir.

Le résultat de mes observations c’est que le véritable ‘arbre à papillons’ de fin de saison de mon jardin, c’est le bel arbuste à floraison automnale Heptacodium miconioides. Petit arbre ou grand arbuste originaire de Chine, il est peu capricieux, caduc, et se couvre de fleurs blanches nectarifères et parfumées à partir de septembre. Très décoratif, il mériterait d’être mieux connu car il se couvre simultanément d’abeilles et de papillons.

Tant de belles fleurs vous assureront un spectacle virevoltant mais, pour avoir des imagos, il faut d’abord des chenilles et pour avoir des chenilles il faut … des orties. Tant le Vulcain que Robert-le-diable, la Petite tortue ou le Paon-de-jour (dont vous voyez ici la chenille hérissée d’épines noires) pondent leurs oeufs au revers des feuilles dont se nourrira la progéniture. Pas d’orties, pas de chenilles, pas de papillons…

Précédent
Précédent

La tétragone: une exclusivité du potager amateur.

Suivant
Suivant

Le lilas des Indes, ni lilas, ni d’Inde