La baie de mai, un superfruit méconnu

Si on vous demandait de nommer un superfruit, les chances sont que vous citiez la myrtille, la canneberge, le cassis, peut-être la baie de goji. Tous sont effectivement gorgés de vitamines et de minéraux et ont des propriétés antioxydantes avérées. Je doute cependant que vous pensiez à la camerise, la baie de mai, qui est pourtant la championne toutes catégories.

Cela fait déjà quelques années que la myrtille américaine fait recette dans les supermarchés, vendue comme indispensable à votre muesli ou yoghurt matinal. Cela implique l’utilisation massive de raviers en plastique pour protéger ces petites billes bleues. Je désapprouve!

La camerise, une baie bleue et pruinée, lui ressemble quelque peu, sauf que sa forme est plus cylindrique que ronde. Elle peut mesurer d’1 à 2-3 cm et est irrégulière (comme des petites crottes selon les enfants). Ce fruit délicieux, juteux et un rien acidulé, a le mérite considérable, outre ses propriétés santé, de mûrir dès le mois de mai, avant les premières fraises. Elle avance donc d’un mois la saison des petits fruits.

En revanche, elle est quasiment introuvable! La seule solution est de la cultiver vous-mêmes, ce qui est par ailleurs très facile. Faisons donc connaissance.

Botaniquement parlant, la myrtille américaine s’appelle Vaccinium corymbosum. L’airelle, la canneberge et la myrtille des bois, Vaccinium myrtillus, appartiennent au même genre. En revanche, la baie de mai est le fruit comestible d’un chèvrefeuille, Lonicera caerulea var. kamtschatica, appelé chèvrefeuille bleu. Le chèvrefeuille grimpant est bien connu et on peut observer une certaine similitude dans les feuilles, opposées.

Comme son nom l’indique, cet arbuste est originaire des régions boréales, notamment de la péninsule du Kamtchatka, de Sakhaline et des îles Kouriles. Outre les ours, qui en sont très friands, les populations indigènes ont toujours récolté ces baies sauvages à des fins alimentaires et médicinales. Au départ, les fruit était appelé haskap en anglais, un ancien noms japonais qui voudrait dire “baie de longue vie et une bonne vision”. Un botaniste québécois commença un programme d’hybridation de ce chèvrefeuille à partir de 1990 dans le but d’une production commerciale. Haskap ne paraissait pas un nom propice à la vente et c’est ainsi que le nom de camerise fut inventé au Québec en 2006. Les québécois sont très forts quand il s’agit d’enrichir la langue française!

En anglais on trouve parfois aussi le nom de honeyberry, sans doute parce que le chèvrefeuille s’appelle honeysuckle.

J’ai fait une brève recherche sur le climat au Kamtchatka: 2700 mm de pluie par an, vents sibériens et courant maritime glacial, neige d’octobre à mai. On peut en déduire que notre plante est des plus rustiques (jusqu’à -40°C) et qu’elle apprécie les sols frais et humides. C’est d’ailleurs en Pologne et au Canada qu’elle est la plus cultivée aujourd’hui.

Dans son environnement naturel où les étés sont courts, l’arbuste doit accomplir son cycle dans un temps record, ce qui explique sans doute qu’elle soit aussi précoce chez nous. Cette photo a été prise le 2 mars et montre les fleurs tubulaires blanchâtres déjà bien écloses. Les fleurs peuvent résister jusqu’à -10°C et ne craignent donc pas les gelées tardives.

Lonicera kamtschatica est hermaphrodite et même auto incompatible, ce qui veut dire qu’il faut absolument avoir plusieurs pieds, de préférence même de sélections différentes, si on veut avoir des fruits. Les bourdons et les premières abeilles se chargeront de cette pollinisation croisée.

Dès le mois de mai les fruits commencent à mûrir en grappes sous les rameaux. Ils apparaissent sur le bois d’un an et il faudra donc patienter un an ou deux avant qu’une jeune plante n’entre en production. A maturité, l’arbuste peut atteindre deux mètres de haut et produire plusieurs kilos. Une particularité de la cueillette est que les fruits ont tendance à tomber tout seuls. Dans les exploitations commerciales ils étalent une bâche sous la plante avant de la secouer: une récolte facile. Le jardinier amateur a intérêt à repasser régulièrement avec un ravier avant que les baies ne tombent.

Aujourd’hui, de nombreux cultivars ont été développés, donc les noms révèlent leur origine russe ou polonaise: ‘Sinoglaska’, ‘Kalinka’, Zolushka’, ‘Tundra’, ‘Wojtek’ ou ‘Anja’ par exemple. Il y a des subtilités dans la saveur, la douceur et la forme. Mon conseil: prenez tout ce que vous pourrez trouver, ce qui ne sera déjà pas si facile. Avoir plusieurs plants est indispensable, comme expliqué plus haut, mais permet aussi d’échelonner un peu la production. Plantez dans le potager ou dans un endroit frais du jardin, au soleil ou à mi-ombre. L’arbrisseau est visuellement agréable et extrêmement sain. Aucun traitement ni pulvérisation n’est nécessaire, ce qui en fait une plante idéale pour la production bio. De plus, il n’est pas nécessaire de tailler si ce n’est pour retirer un éventuel rameau abîmé.

La camerise fraîche est irrésistible, mais si d’aventure votre production devait dépasser votre appétit, sachez qu’elle se surgèle et peut produire de délicieuses confitures, jus et coulis. La globalisation a permis que ce fruit que ne connaissaient que les trappeurs du grand nord nous soit aujourd’hui accessible. Parfois, cela a du bon!

Précédent
Précédent

Des buissons aux petites oreilles bleues

Suivant
Suivant

Crosses d’évêque ou crosses de violon, c’est selon