Les cyclamens, petites ballerines aux jupes retroussées

L’automne est arrivé et, dans le tapis de feuilles sous les arbres caducs, apparaissent des centaines de petites fleurs adorables dans des tons de rose et de blanc: un spectacle charmant (photographié à l’Arboretum de Kalmthout en Belgique). Veuillez croire qu’un tableau de ce genre est à la portée de tous, à condition de mieux connaître ces petits trésors que sont les Cyclamen hederifolium.

Une scène époustouflante comme celle-ci, à la Baronnière en Anjou, chez Anne du Boucheron, nécessite par contre un peu plus de patience. C’est un tableau que vous pouvez offrir à vos descendants…

Ces petits cyclamens, que l’on appelle parfois cyclamens de Naples ou à feuille de lierre, ne sont heureusement pas rares et se trouvent à l’état sauvage dans de nombreux biotopes, surtout dans les régions méditerranéennes. Le sud n’en a pas l’exclusivité car ces petites plantes, en apparence si délicates, sont en réalité extrêmement rustiques. Appartenant à la famille des primulacées (commes les primevères), il s’agit d’une plante bulbeuse au cycle particulièrement adapté et intéressant. Tout commence à l’automne quand d’innombrables petites fleurs aux pétales récurvés comme par un coup de vent, portées par des pédoncules d’une quinzaine de centimètres, émergent du tapis de feuilles ou de la pelouse comme par miracle. Cette floraison peut commencer en août et se prolonger jusqu’à fin novembre. Peu après, c’est au tour des petites feuilles d’apparaître tout autour des fleurs. Elles se maintiennent tout au long de l’hiver et du printemps avant de disparaître complètement en été quand la plante entre en dormance. Ce repos estival permet aux cyclamens de traverser les périodes de sécheresse typiques de la Méditerranée. Vu qu’ils poussent souvent en sous-bois, sous des arbres caducs, ils profitent du soleil et de la pluie qui atteignent le sol en hiver et se reposent à l’ombre sèche de la canopée en été.

Le nom d’espèce hederifolium se réfère à la similitude avec une feuille de lierre (Hedera) panachée. Ce qui est particulièrement joli dans le cas d’un tapis de cyclamens, la forme et le détail des marbrures du feuillage diffèrent subtilement d’une plante à l’autre.

Il existe par ailleurs de très belles sélections à feuilles argentées, presque métalliques, ‘Silver Leaf Pink’ et ‘Silver Leaf White’.

Après la floraison, une graine ronde se développe sur les pédoncules, vrillés comme un ressort, prêts à les propulser. Peu après, un tout petit tubercule se forme, émettant une feuille unique. Ces mini-plants se développent souvent au milieu du feuillage de la plante mère et peuvent-être délicatement prélevés et replantés plus loin. Il faudra faire preuve de patience avant de voir apparaître les premières fleurs mais dès la première année il y aura 3 ou 4 feuilles: un premier espoir!

Dans son magnifique jardin en Anjou, ou des masses considérables de cyclamens s’étalent dans l’herbe sous les grands arbres, Anne du Boucheron applique une technique radicale mais efficace pour les répandre: elle passe la tondeuse quand les graines apparaissent, ce qui les fait voler en tous sens.

Au bout de quelques années, ce bulbe minuscule grossira pour former peu à peu une énorme ‘patate’, dure, brune et platte. Cet organe sous-terrain, qui pousse juste sous le niveau du sol, est la réserve de la plante d’où émergent directement les fleurs et les feuilles. Quand on déterre un de ces tubercules (techniquement appelé cormus), on en trouve parfois des plus petits de différentes tailles qui se sont formés aux alentours. En les replantant on obtient un bon nombre de nouvelles plantes.

Voici donc des méthodes pour répandre des plantes existantes. Pour commencer votre tapis fleuri, on peut acheter des semences si on est très patient mais en règle générale, mieux vaut acheter les premières plantes à l’automne, quand elles sont en fleurs. Ne vous en faites pas si elles n’ont pas si fière allure en pot et assurez-vous qu’il s’agit bien de Cyclamen hederifolium à naturaliser.

Les magnifiques variétés de cyclamens que vous trouvez chez votre fleuriste en cette saison ne sont malheureusement pas des animaux de la même espèce et auront vite fait de disparaître au jardin car non-rustiques. Il s’agit en effet de cultivars de Cyclamen persicum, à utiliser à l’intérieur ou dans des situations extérieures très protégées, bacs de balcons ou de fenêtres par exemple.

Dans la maison, ces beautés délicates ne sont pas nécessairement heureuses très longtemps. La raison principale de leur flétrissement est qu’elles n’apprécient pas les températures supérieures à 18 degrés ni l’air sec: tout le contraire de nos cocons de vie. L’arrosage est toujours délicat. On préconise de les placer un moment dans une soucoupe remplie d’eau plutôt que des arroser par le haut.

Il y a par contre une autre espèce que l’on peut cultiver pour prolonger le plaisir au jardin: le cyclamen dit de l’île de Kos (où il ne pousse pas), Cyclamen Coum. Il est plutôt originaire du pourtour de la mer Noire. Cette espèce fleurit en plein hiver et se distingue par des feuilles plus rondes que hederifolium. Quelle beauté que ces petites étoiles roses émergeant d’une couche de neige comme des bonbons! Malheureusement, la culture de Cyclamen coum est un peu moins facile et les plantes se répandent moins rapidement: un choix pour jardiniers plus expérimentés.

Faites le tour de votre jardin à l’automne. Vous trouverez certainement un arbre isolé au pied duquel vous pourrez essayer de dérouler le tapis rose des cyclamens. Cela vous apportera une joie immense et aura le mérite supplémentaire de bannir la soufflerie bruyante et polluante de cet espace. Et puis, patience, aucun tapis n’a été noué en un jour.

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