Pour un potage sauvage, récoltez l’ail des ours.

Manger les plantes que récoltaient déjà les hommes des cavernes, une mode ou une nécessité? Depuis la dernière guerre nous nous sommes progressivement détournés des plantes sauvages dans notre alimentation pour privilégier le supermarché. Retour de manivelle aujourd’hui; nous repartons en mode cueillette, conscients que nos légumes, même bios, ne sont plus en mesure de fournir les nutriments essentiels à notre santé. D’où le marché florissant des compléments alimentaires …

Dans certaines régions rurales d’Europe cependant, la récolte dans la nature (foraging en anglais) est restée un élément essentiel de la gastronomie. Pourquoi ne pas s’y mettre nous aussi plutôt que de laisser ce privilège à quelques restaurants hors de prix? C’est d’autant plus facile qu’il ne faut pas nécessairement partir dans les bois avec son panier. L’ail des ours, une des ressources sauvages les plus précieuses et les plus abondantes, peut facilement être invitée dans son propre jardin pour l’avoir sous la main. Il fera un excellent couvre-sol dans les fonds de jardin, sous des azalées ou des hydrangeas par exemple.

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Cette bulbeuse, là où elle est présente, peut former de vastes colonies et tapisser des hectares de sous-bois dans lequel se répandent des effluves d’ail. Chez mes voisins, le sous-bois connaît un moment réellement féérique au printemps quand l’ail fleurit. ‘C’est comme de la neige, ce tapis blanc cache tout ce qui est vilain’ affirme ma voisine, alors que chez elle tout est joli! La plante aime l’ombre et la fraîcheur, les terres grasses et profondes, les abords des cours d’eau. La où elle se plaît, elle se multiplie très rapidement. D’une part, les bulbes forment des bulbilles et d’autre part, ses inflorescences, constituées d’une trentaine de petites étoiles blanches portant autant de graines, sont disséminées par les fourmis notamment. Pour l’introduire chez vous, vous pouvez donc planter des bulbilles ou jeter des semences dans un endroit ombragé et humide. Choisissez malgré tout un endroit où vous ne craignez pas l’invasion!

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Allium ursinum (ursus est l’ours en latin) est une plantule qui connaît une vie aérienne très courte. Elle ne sera visible que de mars à mai environ, disparaissant ensuite sous terre pour se concentrer dans son bulbe. Elle profite de la sorte au mieux de ce bref moment où le soleil de printemps atteint le plancher de la forêt avant le déploiement des feuilles sur les arbres.

Toute la plante se consomme, tant la feuille que la fleur et le bulbe. Les feuilles et les fleurs se récoltent au printemps. Pour récolter les bulbes à l’automne il faudra bien connaître l’emplacement de sa colonie car on ne verra plus rien en surface.

Comme pour toute cueillette sauvage, il faut être un tant soit peu avisé et ne pas récolter un poison! L’ail des ours peut pousser en compagnie d’autres plantes mais la plupart sont malgré tout bien distinctes. Le seul danger réel serait de faire une confusion avec le muguet (seconde photo), qui est très toxique et même mortel si consommé en quantité. Comment les distinguer?

Tout d’abord l’ail des ours apparaît en mars alors que le muguet sort de terre en avril-mai. La feuille est vert clair et beaucoup plus fine et souple. Elle dégage une nette odeur d’ail quand on la froisse entre les doigts. Les feuilles de muguet sont enroulées au départ et généralement groupées par deux. En cherchant parmi les feuilles on trouvera des boutons floraux de l’ail, couverts par une fine enveloppe translucide. Les boutons floraux du muguet montrent déjà bien les futures clochettes.

Mes petites connaissances de cette sauvageonne proviennent d’une monographie française de Bernard Bertrand. On y trouve une foule de renseignements botaniques, mais aussi culturels et culinaires. On y apprend par exemple que dans certains pays d’Europe de l’Est, où la plante est très prisée, de véritables processions sont organisées au printemps pour une collecte collective. Les feuilles sont ensuite préparées à l’huile et conservées pour toute l’année. Il semblerait que de telles expéditions printanières s’organisaient également dans la forêt de Soignes en Belgique. Des groupes partaient récolter en forêt et consommaient l’ail directement sur place, en accompagnement d’une tartine au plattekees (fromage blanc) et joyeusement arrosé de bière bien sûr. Peut-être une idée de pique-nique à reprendre? Avec un seul caveat quand même: le danger de la pisse de renard. Il vaut mieux laver convenablement les feuilles et récolter d’un endroit sûr.

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La petite histoire prétend que Allium ursinum, nommé par Linné, fait référence à la force mythique de l’animal que la plante pourrait nous conférer. C’était apparemment une nourriture précieuse pour l’animal au moment où il sortait d’hibernation. Vrai ou pas vrai, on lui attribue d’innombrables vertus. La plupart sont similaires à celles de notre ail cultivé (Allium sativum), mais démultipliées. Un avantage non négligeable quand même; l’ail sauvage affecte un peu moins l’haleine…

Voilà à notre disposition gratuitement un tonique, dépuratif et vitaminé, qui chassera les maux de l’hiver. Le livret l’expliquera mieux que moi.

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Je mets les feuilles à toutes les sauces, crues ou cuites. Elles accompagnent les viandes, les pommes de terre, le poisson et les omelettes.

Pour une soupe sauvage délicieuse et bien verte:

une bonne poignée d’ail des bois, des pointes d’orties et de l’oseille.

Comme base pour épaissir le potage j’ai utilisé quelques derniers panais du potager mais des courgettes ou des pommes de terre peuvent convenir également.

Le grand classique est le pesto à l’ail des ours, à mettre dans les pâtes par exemple.  On peut procéder exactement comme pour le pesto genovese au basilic en mixant les feuilles avec de l’huile d’olive, du sel, des pignons (remplaçables par des gra…

Le grand classique est le pesto à l’ail des ours, à mettre dans les pâtes par exemple. On peut procéder exactement comme pour le pesto genovese au basilic en mixant les feuilles avec de l’huile d’olive, du sel, des pignons (remplaçables par des graines de tournesol ou des cajous) et bien sûr, pas d’ail en plus! Le pesto peut se congeler ou se conserver en bocaux stérilisés quelques minutes à l’eau bouillante.

Le boutons de fleur peuvent se préparer comme des câpres: remplir un bocal de boutons, couvrir d’un bon vinaigre et ajouter des clous de girofle et quelques grains de poivre, puis laisser mûrir de 6 mois à un an.

Ceux qui voudraient aller au-delà d’une simple consommation, déjà très bénéfique, trouveront une foule de recettes de médecine naturelle: cataplasmes, décoctions, sirops et onguents.

Comme tout aliment, l’ail des ours trouvera ses adeptes (mes enfants) et ses détracteurs (mon mari)… Alors pour ceux qui en raffolent, bonne détox!

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