Les persicaires, discrètes mais bien présentes

Fleurir de juillet à novembre est un exploit qui a mis les persicaires sur la liste des plantes désirables. Avec leurs épis de fleurs roses, très fines et discrètes, ces vivaces n’attirent pas particulièrement l’attention. En plus, elles jouent la discrétion, leur habitat naturel étant les coins de mi-ombre un peu humides, en bordure de bois ou de rivière, plutôt que le centre d’un parterre au soleil. Les choses ont cependant bien changé depuis que certains architectes de jardins naturalistes les aient ramenés à l’avant plan, au même titre que les graminées.

Voici par exemple Persicaria amplexicaulis planté en masse dans un contexte urbain à Bruxelles: simple et efficace. Cherchez la mauvaise herbe! Cet exemple met de fait en évidence deux qualités appréciables de cette plante: elle n’a besoin d’aucun support et couvre très efficacement le terrain, ne laissant aucune place aux indésirables. J’ajouterai que la fanaison passe inaperçu et qu’il suffit d’un nettoyage annuel des touffes en fin d’hiver pour toute maintenance.

Vous connaissez sûrement bien ces plantes sous le nom de renouées, que vous arrachez sans doute comme adventice sous sa forme à petites fleurs roses, assez mignonne par ailleurs. Elle s’appelle Persicaria maculosa et est indigène en Europe. Le genre Persicaria faisait auparavant partie du genre Polygonum. L’étymologie signifie ‘beaucoup de genoux ou d’angles’ et se réfère aux noeuds sur les tiges. Le nom vernaculaire de renouée fait allusion à cette même particularité. Par contre, le nom de Persicaria provient de la similitude de la feuille avec celle du pêcher (persicus en latin). Chez Persicaria amplexicaulis, amplexicaulis veut dire ‘qui embrasse la tige’, ce que l’on peut voir clairement. L’eau de pluie s’accumule d’ailleurs parfois dans la coupe ainsi formée à la base de la feuille. Cette dernière espèce est originaire de l’Himalaya et des montagnes d’Asie et est donc absolument rustique. Elle a servi de base à la création de nombreux cultivars de jardin.

Les pépiniéristes se sont surtout attachés à produire des variétés avec des épis plus gros et plus voyants, ou dans d’autres tons: blanc, saumon, rose, rouge, pourpre. La blanche ‘Alba’ et la rose pâle ‘Pink Elephant’ en sont des exemples.

Persicaria affinis est une plante assez courante et un couvre-sol hors pair, supportant soleil ou mi-ombre. Elle est tapissante et couvrira vite l’espace avec un feuillage rampant au ras du sol. L’originalité de cette renouée est qu’elle produit spontanément des épis de deux couleurs différentes. Je les utilise volontiers comme fleur coupée pour les petits bouquets de fin de saison.

Au contraire de la précédente, l’adorable Persicaria capitata, supporte une sécheresse totale et s’installe dans les fissures des dallages ou des escaliers. C’est aussi une rampante efficace qui a tendance à être volage, sans être envahissante. De toutes petites têtes roses (capitis, c’est la tête en latin) surmontent un feuillage bronze, marqué d’un V marron.

Certaines persicaires sont d’ailleurs particulièrement intéressantes pour leur feuillage. Voici deux exemples, présentées dans leur version printemps et automne.

Persicaria virginiana var. filiformis a un feuillage vert clairement marqué d’un V marron. La plante forme une belle touffe d’une soixantaine de cm de haut, très décorative. A la fin de l’été de longs épis pourpres apparaissent, effectivement filiformes.

La sélection ‘Painter’s Palette’ est une variante de cette dernière dont le feuillage panaché est particulièrement vif au printemps. La floraison est insignifiante.

Outre ces renouées qui fleurissent de l’été à l’automne, il y en a une à floraison printanière rose pâle, appellée la bistorte, Persicaria bistorta ou Bistorta officinalis. Les épis émergent bien dressés d’un feuillage vert uni qui reste bas et très couvrant, un must pour les cottage garden.

Ce qui est certain, c’est que les renouées n’ont pas aimé l’été chaud et sec de 2022. Les touffes plantées au soleil sont desséchées et misérables, tandis que celles à mi-ombre ou près de l’étang sont florissantes. Je dois avouer que plusieurs de mes photos remontent à des années moins extrêmes. Pour un bon résultat, choisissez donc un endroit frais et bien humifère et puis … laissez faire.

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