Potées sèches

La vie en pot est une vie dure pour une plante: peu de place pour les racines, un terreau qui se dessèche, un contenant qui cuit au soleil. Les potées estivales exigent donc des soins constants, en particulier des arrosages réguliers. Or, ce sont les vacances et il est évident que tout le monde préfère prendre l’apéro que de sortir le tuyau! Ne parlons même pas des restrictions imposées aux arrosages et des considérations environnementales…

Pourtant, nous aimons tous nos pots sur les terrasses et les balcons, dans les cours et les patios. La seule solution est d’opter pour des potées sèches. Le choix n’est pas infini mais il y a moyen de créer des mises en scène d’une sobriété absolue. Les succulentes font forcément partie de la solution.

Plus important peut-être que la plante, il y a le choix du contenant: il doit être en harmonie avec l’environnement et adapté à la taille de la plante. La répétition est souvent d’un bel effet, la simplicité aussi. Dans ce cas, ces pots en terre cuite rectangulaires qui ont les irrégularités du fait main et une belle patine conviennent parfaitement pour une petite collection de joubarbes. Les graviers empêchent les adventices et retiennent le peu d’humidité qu’il y a. Ces différents types de Sempervivum et de Echeveria sont très résistants mais il vaut mieux les mettre à l’abri du gel et surtout de la neige l’hiver.

La variété de formes et de couleurs est attrayante en soi. De plus, beaucoup nous surprennent avec des fleurs inattendues.

Les succulentes fascinent par leurs textures et leur graphisme. Beaucoup de ces plantes proviennent d’Afrique du Sud, comme ce Gibbaeum petrense aux feuilles cubistes. De jolies marguerites violettes apparaîtront en cours de saison. Crassula rupestris ressemble à des colliers où les feuilles charnues auraient été enfilées comme des perles.

Les plantes grasses sont infiniment fascinantes, ressemblant à des coraux par exemple (effet que j’ai renforcé en garnissant le vase de quelques coquillages. Les Haworthia ressemblent à de petites poulpes qui seraient, elles aussi, sorties du fond de la mer. Ils appartiennent à un genre très large originaire d’Afrique du Sud et sont proches des aloés. On peut les cultiver comme plantes d’intérieur et les sortir l’été. Les feuilles sont vertes et couvertes de points blancs. Normalement un peu d’arrosage et un soleil pas trop intense sont les conditions optimales. Chez moi elles vivent sans eau et sous un soleil de plomb, ce qui provoque le rougissement des feuilles mais les rend à mon sens plus étranges encore (les vrais spécialistes n’approuveront pas…). Au printemps elles produisent des fleurs légères sur une fine tige produisant un effet très élégant.

Les cactus sont évidemment les champions toutes catégories de la résistance à la sécheresse et une fois qu’ils auront bien occupé l’espace de leur pot ils sont du plus bel effet. Le problème sera plutôt de les protéger d’un été trop humide et bien entendu des gelées.

Le vaste genre des agaves offre de nombreuses possibilités pour des potées très architecturales. Leur développement racinaire peut toutefois être vigoureux et éclater le pot si on les laisse pousser trop grands. Le grand spécimen à droite est une agave moins courante, Agave bracteosa, qui a toutefois le mérité d’être moins piquant et agressif que ses cousins. Il forme un grand nombre de rejetons. A ses côtés se trouvent 2 exemplaires de Mangave, des hybrides d’Agave et de Manfreda, apparus très récemment dans le commerce. Très symétriques et réguliers, ils semblent avoir toutes les qualités requises, supportant la chaleur extrême, le soleil brûlant, le manque d’eau et même des températures jusqu’à -5°C. Un petit nombre de cultivars ont été développés avec des couleurs de feuillage très inédits. Ces deux plants, acquis en 2021 mais déjà assez convaincants, s’appellent ‘Lavender Lady’ et ‘Pineapple Express’. Des plantes à suivre assurément.

Pour l’élégance, rien ne bat l’agave de la reine Victoria, Agave victoriae-reginae. Elle forme une boule d’une géométrie parfaite, avec des feuilles charnues bordées de blanc. Cette plante mexicaine pousse en altitude dans son environnement naturel, ce qui explique son endurance.

Au bout de quelques années elle pourra produire une hampe florale immense, fleurissant longtemps mais entraînant la mort de la rosette qui l’a produite. Certaines de ces agaves poussent en solo, d’autres forment des familles.

Les choses se compliquent un peu pour de pots plus grands et dès lors plus difficiles à mettre à l’abri l’hiver. Le genre Crassula offre de belles possibilités. C’est en quelque sorte la plante grasse par excellence, son nom latin provenant de crassus, gros, épais, et le diminutif -ulus; une grassouillette donc.

Le genre a de nombreuses espèces, une des plus connues étant Crassula ovata qu’on appelle arbre de jade. Provenant d’Afrique du Sud, ces plantes sont très ramifiées et finissent par former comme un petit bonzaï. Il suffit de détacher et replanter une petite branche pour les reproduire. La plante du premier pot, avec les feuilles plus tubulaires, est la sélection ‘Hobbit’. Le second pot contient la sélection ‘Compacta’, d’un beau vert jade justement.

Les plantes à feuilles en forme d’épées, ressemblant à de petits palmiers, font beaucoup d’effet en pot. Vu ici en Toscane, dans une terre cuite typiquement de la région, un exemplaire de Cordyline australis. Originaire de Nouvelle-Zélande, les anglais l’appellent peu aimablement New-Zealand cabbage tree. Dans la nature, ce Cordyline peut atteindre 20 m et se ramifie fortement. La durée de votre spécimen dans un pot sera donc forcément limitée…Assez ressemblants, avec un feuillage moins souple et provenant d’Amérique et des Caraïbes, il y a de belles variétés de Yucca à essayer. Puis, venant des Canaries, le fameux arbre à dragon: Dracaena draco . Dans chacun des cas, même si la vie en pot ralentit la croissance, un jour viendra où il faudra transplanter ces arbres en puissance au jardin.

Vous n’aurez pas ce problème avec un genre peu courant que je commence à mieux connaître et qui a toutes les qualités requises: le Dasylirion. Ces plantes du désert mexicain sont de véritables xérophiles et de plus résistent jusqu’à -9°C. Leur seule exigence: la sécheresse! La croissance du Dasylirion est très lente; il s’élève peu à peu sur un petit tronc, semblable à celui d’un palmier. Les feuilles, longues de plus d’1m, forment un éventail parfaitement régulier. Les nouvelles feuilles naissent au centre et on peut éventuellement supprimer celles de la base. Les deux espèces illustrées ici, longissimum et wheeleri, diffèrent un peu par leur feuillage. Les plantes matures peuvent produire tout à coup une hampe florale spectaculaire, de 3 m de haut.

Si des étés comme cet été 2022 devaient devenir la norme, il est clair qu’il ne nous restera plus qu’à nous adapter. Nous ne jardinerons plus jamais comme avant. Alors autant découvrir cette végétation que l’évolution a adapté pour survivre dans certains des coins les plus inhospitaliers du monde. Rangeons l’arrosoir et découvrons ces beautés sobres. La sobriété est la nouvelle vertu, pour les hommes comme pour les plantes!

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