Issus de bonne graine

Profitez des journées maussades de l’hiver pour vous procurer vos semences de l’année, pour les semis de printemps et de fin d’été. C’est maintenant que vous aurez le plus de choix et aurez peut-être reçu les catalogues des semenciers. Ne sous-estimez pas le temps qu’il faut pour trouver son bonheur parmi les nombreux fournisseurs sur Internet. J’espère que cet article vous aidera dans vos choix. Pour ma part, les recherches que j’ai faites changeront complètement ma commande de l’année prochaine.

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La première chose à faire est l’inventaire de ce qu’il vous reste de l’année dernière. Si vous avez conservé vos semences dans une boîte hermétique, à l’abri de la lumière, de l’humidité et des souris, elles devraient garder leur potentiel de germination 2 ou 3 ans. Vous trouverez d’ailleurs une date de péremption sur les sachets. Ce sont principalement les graines de courges et de tomates que je garde car je préfère la diversité et sème seulement quelques plants de chaque variété. Cinq plants de courgettes suffisent pour être nourri jusqu’à plus faim, alors imaginez si on sème tout le sachet…

Une première solution, pour un potager standard, est votre jardinerie locale ou votre pépiniériste. Le choix s’améliore au fil des ans et la qualité est généralement bonne. Par contre l’offre bio est le plus souvent très limitée, de même que celui de variétés régionales.

Lançons-nous directement dans le débat: faut-il acheter absolument acheter des semences bio? Certains se disent que, vu la minusculité de la semence par rapport au légume récolté, cela n’a pas trop d’importance. D’autres prétendent qu’il est justement essentiel de partir d’une génétique biologique. Le débat n’est pas tranché, mais les arguments incontestables qui à mon avis plaident pour le bio sont primo, qu’en achetant ces semences on favorise les producteurs de la filière, ce qui a des avantages indéniables pour l’environnement. Secondo, les plantes cultivées en bio pour les semences subissent une forte sélection naturelle dans le champ en l’absence de traitements chocs et leurs rejetons sont donc mieux adaptés à l’environnement du potager amateur. Le fait est cependant qu’un grand nombre de variétés très intéressantes ne se trouvent absolument pas en bio. Dès lors j’avoue ne pas être rabique sur la question.

En revanche, soyez méfiants face au semences dites ‘traitées’, qui sortent de leur sachet colorées en rouge ou en bleu . Celles-ci auront directement subi des traitements chimiques aux pesticides ou fongicides (thiram et autres) visant à améliorer leur capacité de germination ou à éviter leur pourriture. La couleur est censée dissuader les oiseaux et autres granivores mais il a été prouvé que ce n’est pas vraiment dissuasif. La nocivité pour le sol et la biodiversité est donc réelle. Par contre les graines ‘enrobées’ sont simplement couvertes d’une couche inerte qui les rend plus faciles à semer.

Un mot d’explication encore sur la mention F1 ou hybride F1. Aucun danger ici. Il s’agit de semences issues du croisement de première génération de deux variétés. L’hybride obtenu prend le meilleur des qualités des deux parents (plus doux, plus productif, plus précoce …) et peut même leur être supérieur. Les plantes auxquelles donnent naissance ces semences seront en conséquence particulièrement vigoureuses et très homogènes. C’est un avantage d’un côté mais le revers de la médaille est que la production est moins échelonnée. A réserver à ceux qui aiment avoir toutes leurs carottes de la même longueur et détestent les tordues…De plus, si vous récoltez la semence pour la ressemer vous n’obtiendrez plus les mêmes caractéristiques, ce qui fait que ces semences ne sont pas reproductibles, favorisant ainsi les compagnies productrices.

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Pour l’achat de semences potagères et florales biologiques je commencerai pas mettre en valeur un belle initiative belge: Cycle en terre. Cette coopérative semencière, qui compte plus de 200 coopérateurs et 7 maraîchers multiplicateurs a pour objectif de produire des semences biologiques, locales et adaptées au climat pour les maraîchers et les particuliers. Leurs semences ont le mérite d’être libres, ce qui veut dire que vous avez le droit de produire et de multiplier les plantes obtenues. Vous pouvez passer commande en ligne sur cycle-en-terre.be. Cycle en terre a reçu le Prix Baillet Latour pour le maraîchage innovant en 2020.

Semailles, qui se définit joliment comme ‘artisan semencier’, a fêté ses 20 ans en 2020. Leur particularité est de produire ce qu’ils appellent des graines bio régionales. Vous pouvez cliquer sur une carte sur leur site pour indiquer la région qui vous intéresse. Leurs produits intègrent d’ailleurs une provenance dans leur nom: Cerfeuil d’hiver de Bruxelles, Mâche bigarrée de Huy, Laitue blonde de Laeken et même une Tomate téton de Wépion.

L’association française Kokopelli est bien connue. Elle a une antenne belge. Vous trouverez un vaste choix sur kokopelli-semences.fr. Comme plus d’un producteur de variétés anciennes, elle a été attaquée par les grosses entreprises conventionnelles pour production illégale de semences. Le fait est que juridiquement, seules les variétés inscrites dans le Catalogue officiel européen des semences peuvent être commercialisées. Or, l’inscription au catalogue demande un effort administratif considérable qui n’est pas à la portée du petit producteur de semences paysannes. D’autre part, les grands acteurs déposent des brevets sur leurs nouvelles variétés, valables pour 20 ans. Les petits les accusent en retour de ‘privatiser le vivant’…

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Du côté flamand, précipitez-vous pour faire une dernière commande chez De Nieuwe Tuin. Peter Bauwens, le personnage hors du commun qui est à l’origine de cette pépinière, annonce effectivement vouloir cesser ses activités. Peter travaille depuis des années à petite échelle pour sélectionner et multiplier des plantes potagères pour un jardin nouveau (nieuwe tuin en néerlandais), une alimentation nouvelle, en phase avec notre temps. Ce véritable philosophe du comestible est l’auteur d’une belle série de monographies sur tout ce qui se mange ou se boit, pleines de révélations sur le vrai potentiel des plantes potagères.

Sur le site denieuwetuin.be vous trouverez des semences difficilement trouvables ailleurs, dont des légumes exotiques et orientaux bien adaptés au réchauffement climatique. Dans l’ordre: Kiwano, Trichosanthes, lablab, hon-tsai-tai. Le monde des légumes ne se limite visiblement pas aux petits pois/carottes. Vous constaterez que la présentation est en elle-même une oeuvre d’art.

Du côté de la France, les propositions bio semblent très dynamiques. Je vous conseille d’explorer le site de La Ferme de Sainte Marthe, fermedesaintemarthe.com, qui non seulement propose un vaste choix de semences, mais prodigue aussi d’excellents conseils de culture. Germinance vend des semences biologiques et biodynamiques sur germinance.com, un site de présentation très agréable. On peut y choisir précisément la quantité de semences voulues, partant du demi-gramme, évitant le gaspillage d’une ressource précieuse.

Retour au traditionnel; la société Vilmorin, sans doute le plus ancien semencier de France, remonte à 1743. Cette belle entreprise, restée familiale pendant deux siècles, fait aujourd’hui partie du groupe Limagrain et est donc distribué largement dans les jardineries. Elle ne se distingue plus par ses produits exclusifs d’autrefois.

Pour l’achat en ligne, le catalogue de Baumaux, sur baumaux.com, offre une des gammes les plus larges, intégrant de plus en plus une offre en bio.

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Jusqu’à récemment, les amateurs que nous sommes parcouraient avec délectation les catalogues britanniques, comme celui de Chiltern Seeds (qui propose le basilic british ci-contre). Thompson and Morgan, Sutton’s, Kings (le roi du pois de senteur), Sarah Raven, Mr. Fothergill et tant d’autres offrent une gamme sans fin. J’ai fait le test d’essayer de commander un sachet de petits pois sur l’un ou l’autre de leurs sites. J’ai pu constater que soit ils ne livrent plus qu’au Royaume-Uni, soit un grand bandeau rouge s’affiche aussitôt, vous avertissant de restrictions possibles.

Hélàs, le Brexit est passé par là! L’image de ce légume triste, drapé dans son drapeau national, reflète une triste réalité.

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