Tout n’est pas rose dans un bouquet de roses

Les trois quarts des cadeaux offerts à la Saint-Valentin consistent en un bouquet de roses. Non seulement c’est peu original, mais de plus c’est étonnant, car il n’y a pas encore l’ombre d’un bouton de rose un 14 février. Comment en sommes nous arrivés à cette mode qui permet aux producteurs industriels de roses de réaliser jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires annuel pour la fête des amoureux? La réponse est simple: du carbone et encore du carbone.

Le marché de la rose est colossal et admettons le, le choix est immense. Les néerlandais sont grands spécialistes et produisent dans des serres chauffées dont le coût devient aujourd’hui prohibitif. L’activité demande des compétences techniques et agronomiques très précises pour obtenir des roses parfaites à la date voulue.

Depuis une quinzaine d’années, la rosiculture industrielle s’est développée à très grande échelle au Kenya, en particulier autour du lac Naivasha. La floriculture kenyane emploie quelque 500.000 personnes et l’exportation de fleurs génère au moins 500 millions de dollars par an. C’est d’ailleurs la troisième source de devises du pays.

Il y a beaucoup de bonnes raisons à ce succès, dont en première ligne le climat. Situées en altitude (le lac lui-même est à plus de 1800 m), les fermes bénéficient de journées chaudes et ensoleillées et de nuits fraîches. Ce sont là les conditions idéales pour les roses qui développent de gros boutons et peuvent être coupées jusqu’à 8 fois par an. On s’épargne le chauffage des serres.

Le second avantage est bien sûr la main d’oeuvre abondante et très bon marché. La culture, la cueillette et le conditionnement des roses demande beaucoup de travailleurs et la rose bon marché n’existerait pas sans les salaires à 1 ou 2 $ par jour.

Très vite cependant, ce marché florissant a été sujet à controverse. Des journalistes d’investigation ont dénoncé les conditions de travail parfois déplorables, sans aucune protection face à un usage massif de pesticides et d’engrais chimiques. On peut trouver d’innombrables vidéos en ligne, comme celui-ci: Saint-Valentin, la rose d’Afrique https://youtu.be/oee_1uMG3k4

Diverses organisations de protection de l’environnement se sont insurgées contre l’empreinte carbone des transports de fleurs par avion. D’autres, comme le WWF ont tiré la sonnette d’alarme pour les flamants roses et les hippopotames du lac Naivasha. Le pompage massif et le rejet d’eau contaminée posent de vrais problèmes, ruinant notamment les pêcheurs.

Heureusement, ces actions ont abouti à quelques résultats positifs, tant sociaux que environnementaux. Il reste cependant qu’une industrie aussi importante, basée sur une monoculture, comporte des risques sérieux, dont la concurrence de voisins comme l’Ethiopie, l’augmentation des coûts de transport, la mise en place de législations plus strictes dans les marchés.

En réaction à tous ces excès, certains producteurs amoureux des fleurs ont voulu promouvoir un modèle très différent, fleurs de saison, production locale et respectueuse de l’environnement, santé des plantes et des personnes, livraisons vertes. C’est ainsi qu’après le slow food et le slow fashion est né le mouvement slow flowers.

L’association Belgium Slow Flowers regroupe un grand nombre de producteurs par région. Ils répondent souvent à des noms charmants qui vous mettent déjà dans l’ambiance d’un jardin en fleur: Au rythme des fleurs, Cueillette buissonnière, Dansons la Capucine… Ces producteurs fournissent les fleuristes qui veulent mettre en avant une image écoresponsable, mais aussi des restaurants haut de gamme qui cuisinent avec des fleurs fraîches. Dans certains cas, il y a des champs de fleurs où les particuliers peuvent faire leur propre cueillette, un modèle que les anglais avec leur honesty box, pratiquent depuis longtemps.

Comment résoudre le dilemme de la Saint-Valentin? Pour rester dans les fleurs, on peut se tourner vers le mimosa, en pleine floraison dans le Midi et cultivé naturellement en plein air ou les premières branches de forsythia et les chatons de saule plus au nord. Une poignée de perce-neige peut rompre la glace et l’adorable petit narcisse ‘Tête-à-tête’ suggérer une invitation. Parfois, on peut faire plus grande impression en restant modeste dans le don et expressif dans les mots. Autrefois, on aurait écrit un joli poème et glissé une minuscule violette odorante dans l’enveloppe pour la bonne mesure…

Quoi qu’il en soit, pensez

slow flowers

et évitez ceci!

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