De la roquette à perpette

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Cette petite feuille à la saveur prononcée, la garniture ultime de la pizza, nous la connaissons bien: poivrée, amère, picantissima. A elle seule elle évoque la Méditerranée, dont elle est d’ailleurs originaire. Pourtant, le vrai goût de la fameuse rucola, vous ne la trouverez jamais au fond d’un sachet, même bio, car cette plante très aromatique doit être cueillie et mangée aussitôt. Il est donc indispensable que vous cultiviez vous même votre carré de roquette si vous voulez en avoir toute la saveur et toutes les qualités. La bonne nouvelle est que sa culture est des plus simples et que la plante peut même survivre d’année en année pour une culture perpétuelle: c’est la roquette à perpette.

On vend généralement les semences de roquette avec deux dénominations: la sauvage et la cultivée. En faisant quelques recherches sur leurs différences, j’ai découvert que dans la plupart des cas, et surtout dans les instructions de culture, on en faisait une vraie salade. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il s’agit en fait de deux plantes différentes, auxquelles on donne le même nom de roquette.

La roquette cultivée c’ est Eruca sativa (sativus veut dire semé). C’est la roquette de jardin, une plante annuelle, que l’on retrouve souvent dans les mescluns. Sa feuille est découpée, avec des lobes arrondis. Il convient de la semer en ligne de manière échelonnée et de la couper quand les feuilles sont jeunes et tendres. Sa culture est des plus faciles.

La roquette sauvage en revanche, rucola selvatica en italien, s’appelle Diplotaxis tenuifolia, et est une plante vivace, que l’on peut trouver sauvage dans tout le pourtour méditerranéen. Elle pousse sur les sols sablonneux et dérangés, souvent à l’ombre des oliviers. Sa feuille est très finement découpée et son goût bien piquant. C’est cette plante-ci qu’il vous faut pour la culture du paresseux, c’est à dire la culture perpétuelle. Il en existe une sous-variété moins courante, qui s’appelle roquette à feuille d’olivier et qui a une feuille presque entière.

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Les deux types de roquette sont des membres de l’immense famille des brassicacées (comptant plus de 4000 espèces), au même titre que les choux, le colza, les radis ou la moutarde. Ceci explique partiellement son goût. Cette famille s’appelait autrefois la famille des crucifères et leurs membres se reconnaissent à leurs fleurs à 4 pétales disposées en forme de croix. Elles sont par ailleurs comestibles. Les graines se forment dans des sortes de gousses, appelées siliques, qui sèchent et explosent à maturité. La roquette se ressème abondamment!

Si la roquette sauvage est chez elle dans les climats chauds et secs, elle aura besoin de protection dans le nord. Pour cette raison je lui réserve un carré de 1,50 x 1,50 m dans la serre, un espace amplement suffisamment pour avoir de la roquette qui vous sort par les oreilles … Je la cultive au raz du sol, mais si on dispose d’un bac de plantation surélevé, la cueillette en sera bien sûr facilitée. La plantation peut parfaitement se faire en pot ou en bac à l’extérieur, mais la plante ne survivra pas à l’hiver du nord de l’Europe. Il faudra donc trouver le moyen de protéger la culture si on veut cultiver la roquette en plante vivace et non en annuelle.

Une fois défini l’emplacement, la roquette peut se semer à la volée, de mars à septembre. Il suffit de recouvrir légèrement le semis de terre, de bien tasser et de maintenir humide. La germination est très aisée. Une fois que le plantules poussent, l’important est de cueillir fréquemment pour avoir toujours une provision de jeunes feuilles tendres. Si on ne cueille pas, la plante devient plus ligneuse et monte à 50 cm avant de produire des fleurs jaunes, suivies de siliques contenant les graines. Pour avoir des feuilles quasiment toute l’année, je gère le lit de roquette en recoupant régulièrement et en alternance, une moitié des plantes au ras du sol et en laissant les autres se développer. A la sortie de l’hiver, la roquette sera une des premières plantes à produire des jeunes feuilles dans la serre; une surprise pour nous qui l’associons aux plats de l’été.

La roquette peut aussi se cultiver en graines germées ou en mini pousses. Les petites feuilles, comme le cresson, donnent du piquant aux salades et aux sandwichs. Les qualités nutritionnelles de ces belles feuilles vertes en sont encore renforcées. Or, elles sont déjà exceptionnelles au point que la roquette est considérée comme une plante médicament: folates, vitamines K, A et C, calcium, magnésium et manganèse, notamment. Il faut apprendre à apprécier ces saveurs fortes pour le bénéfice de sa santé!

La rucola est très à la mode, mais elle n’est pas une nouveauté; les romains en faisaient déjà la cueillette. Outre la garniture de pizza, on la retrouve dans de nombreux plats et sauces, le pesto di rucola par exemple. Un bon steak, taillé en fines lamelles et disposé sur un plat de roquette avec des écailles de parmesan et un filet de vinaigre balsamique est un grand classique italien.

Enfin, légende ou non, la roquette est réputée être un stimulant sexuel, à l’inverse de la laitue. Toujours est-il que la grande mystique et abbesse du 12ème siècle Hildegard von Bingen, qui étudia les propriétés de nombreuses plantes médicinales, en interdisait la consommation à ses moniales.

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