Passe-moi l’oseille!

Comme le pognon, le fric, le flouze ou même le blé, l’oseille est un synonyme argotique pour l’argent. Et cet usage n’est pas nouveau; il remonte au moins à la deuxième moitié du 19ème siècle. Alors, l’oseille vaudrait-il son pesant d’or?

Le réponse est oui! Dès le Moyen-Age, l’oseille a été associée à la prospérité, tant pour ses vertus médicinales que pour son intérêt culinaire. Dans la cuisine médiévale, on utilisait du jus des feuilles, au même titre que les raisins verts, pour faire du verjus, servant à assaisonner les viandes (plats de riches par excellence). Ces sauces un peu acides aidaient à la digestion.

Plante vivace, apparaissant spontanément parmi les herbes dans la plus grande partie de l’Europe, y compris aux latitudes nordiques, l’oseille était accessible à tous. Elle entre dans de nombreuses recettes, souvent des potages comme le zelenyi borsch, le borsch vert ukrainien.

Tout l’intérêt de l’oseille provient de son goût acidulé, citronné. Le nom même d’oseille provient du latin acidulus, aigrelet. Le nom botanique de l’oseille commune est Rumex acetosa, où l’adjectif signifie aigre et le nom rumex, est le nom latin pour une pointe de flèche, par analogie à la forme de la feuille.

Si vous ne connaissez pas l’oseille, c’est sans doute que vous êtes un citadin; ces belles feuilles vertes n’apparaissent jamais sur les étals car elles se fanent très vite et, vu leur haute teneur en acide oxalique, peuvent même devenir toxiques si on ne les consomme pas tout de suite. Pour bénéficier des nombreux bienfaits de ce légume qui se cueille dès février, il n’y a pas d’autre choix que de le cultiver soi-même.

Quelles sont ces vertus? Bonne pour le foie, les reins et l’estomac, l’oseille est dépurative, laxative et diurétique. Elle est bourrée de minéraux et d’oligo-éléments, fer et magnésium en première ligne, ainsi que de vitamines, dont la vitamine C. En médecine naturelle on préconise l’oseille pour soutenir le système immunitaire et nerveux et prévenir de la sorte la dégénérescence cellulaire. N’hésitez donc pas à l’utiliser cuite ou crue pour relever vos potages, quiches ou plats de poisson. Vu son acidité, mieux vaut ne pas en abuser quand même.

L’oseille est une plante vivace qui revient d’année en année au même endroit. Elle connaît d’ailleurs un regain d’intérêt dans le contexte de la permaculture. Semez un ligne ou plantez un godet et vous récolterez des années durant, surtout si votre sol est riche et retient l’humidité. Les premières petites feuilles tendres apparaissent dès février, délicieuses en salades ou pour relever les soupes de racines d’hiver. On a bien besoin de ces premières feuilles vertes. La touffe va ensuite se développer et produire de longues hampes florales en été. Cette floraison fait penser à celle de la rhubarbe et, effectivement, ces deux légumes surets appartiennent à la famille des polygonacées.

Pour encourager la production continue de feuilles il convient de supprimer ces fleurs. Si on ne le fait pas, elles produiront des semences ailées teintées de rouge, très décoratives mais qui se ressèment à l’envi. Le rumex est pour cette raison souvent dégradé au rang de ‘mauvaise herbe’.

Heureusement, quelques très jolies oseilles ont permis à ce légume de se faire un place dans les jardins ‘comestibles’, très en vogue. On y trouve l’oseille à feuilles rouge que Didier Willery a assoscié à des tulipes, de même qu’une sélection bronze de Rumex flexuosus. ‘Copper Sword’ et ‘Copper Red Twister’ sont des sélections décoratives de cette espèce à feuilles étroites.

Rumex sanguineus, avec ses nervures rouge sang, est particulièrement remarquable tout en étant comestible. La plante apprécie les terrains frais et même l’ombre. Elle se ressème volontiers si on la laisse fleurir.

Rumex scutatus est une espèce assez différente d’aspect qui a de nombreux mérites. Sa feuille est beaucoup plus petite, en forme de bouclier (scutum en latin). La très belle sélection argentée, excellente comme couvre sol, s’appelle d’ailleurs ‘silver Shield’.

Un des avantages est que les jolies petites feuilles au goût délicieusement citronné peuvent être ajoutées telles quelles aux salades.

Ne dépassant pas 40 cm de hauteur, les plants étalent des rameaux sur le sol qui s’enracinent spontanément. Ceux-ci peuvent être conservés ou prélevés et rempotés pour multiplier la plante.

Take the money and run! était un célèbre film de Woody Allen de 1969. En français, cela donnait Prends l’oseille et tire-toi!

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